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A propos Al-Sabil
Numéros en texte
intégral
Numéro 16
Préface
Richard KLEIN
Introduction
Amina HARZALLAH et Imen REGAYA
Vers une réhabilitation énergétique de l’architecture moderne: Immeubles d’habitation du quartier de St Exupéry à Tunis.
Rania FARAH JAAFAR, Amina HARZALLAH et Leïla AMMAR
El Menzah I : habiter une modernité située.
Narjes BEN ABDELGHANI, Ghada JALLALI et Alia BEN AYED
16 | 2023
Vers une réhabilitation énergétique de l’architecture moderne.
Immeubles d’habitation du quartier de St Exupéry à Tunis
Rania FARAH JAAFAR, Amina HARZALLAH et Leïla AMMAR
Table des matieres
Résumé
Cet essai se propose de présenter les résultats d’une étude de réhabilitation thermique de l’enveloppe du bâti permettant de se conformer à la réglementation thermique tunisienne tout en préservant l’identité architecturale du bâtiment. Ces résultats sont issus de simulations dynamiques à partir de maquettes numériques.
Le corpus considéré dans cette étude correspond aux immeubles d’habitation du quartier de Saint-Exupéry à Tunis. Un quartier édifié au début des années 50 selon un plan d’aménagement proposé par le Commissariat de la Reconstruction au Logement dirigé par Bernard Zehrfuss. Ces immeubles font partie d’une commande au profit de l’Office Tunisien du Logement de l’Aviation (O.T.L.A).
La méthodologie envisagée consiste, après avoir dégagé les spécificités architecturales de cet ensemble bâti et questionné ses habitants, à analyser la performance thermique d’un appartement témoin à partir de mesures in situ et de simulations. Les variables analysées sont la température de l’air intérieur, les flux radiatifs et convectifs échangés et l’énergie stockée dans l’enveloppe.
Les résultats obtenus laissent envisager des solutions à caractère non invasif (tel que l’ajout d’isolants thermiques au niveau des parois, l’installation de double vitrage, etc.) permettant d’impacter sur la consommation énergétique du bâtiment dans le respect des spécificités architecturales.
Ce type d’approche peut ainsi mettre l’accent sur la nécessité d’entreprendre des travaux de réhabilitation face à l’état d’abandon des bâtiments emblématiques de l’architecture moderne en Tunisie. Compte tenu de l’indisponibilité d’une réglementation relative à la réhabilitation en matière de lois, de programmes, d’outils et de cadres institutionnels, les opérations de réhabilitation énergétique représentent un défi de taille.
Mots clés
Patrimoine récent - architecture moderne - adaptabilité -réhabilitation - simulation thermique.
Abstract
This paper is intended to present the results of a thermal rehabilitation study of the building envelope, which makes it possible to comply with Tunisian thermal regulations while preserving the architectural identity of the building. These results are derived from dynamic simulations using numerical models.
The corpus considered in this study corresponds to the residential buildings of the Saint-Exupéry neighborhood of Tunis. A neighborhood built in the early 50s according to a development plan proposed by the Reconstruction and Housing Commission headed by Bernard Zehrfuss. These buildings are part of an order for the benefit of the Tunisian Aviation Housing Office (O.T.L.A).
The methodology envisaged consists, after having identified the architectural characteristics of this built assembly and questioned its inhabitants, in analyzing the thermal performance of a control apartment from in situ measurements and simulations. The variables analyzed are the temperature of the indoor air, the radiative and convective fluxes exchanged and the energy stored in the envelope.
The results obtained suggest non-invasive solutions (such as the addition of thermal insulators at the walls, the installation of double glazing, etc.) which make it possible to have an impact on the energy consumption of the building while respecting the architectural specificities.
This type of approach can emphasize the need to undertake rehabilitation work in the face of the abandoned state of Tunisia’s iconic buildings of modern architecture. Given the unavailability of rehabilitation regulations in terms of laws, programs, tools and institutional frameworks, energy rehabilitation operations present a significant challenge.
Keywords
Retrofitting methodology - Modern heritage - Historic buildings - Energy saving.
الملخّص
يقترح هذا المقال تقديم نتائج دراسة إعادة التأهيل الحراري لغلاف المبنى ليتوافق مع اللوائح الحرارية التونسية مع الحفاظ على الهوية المعمارية للمبنى. تأتي هذه النتائج من المحاكاة الديناميكية من النماذج الرقمية.
تتوافق المجموعة التي تم تناولها في هذه الدراسة مع المباني السكنية في منطقة Saint-Exupéry في تونس. حي تم بناؤه في أوائل الخمسينيات من القرن الماضي وفقًا لخطة التنمية التي اقترحتها مفوضية التعمير والإسكان التي يديرها برنارد زيرفوس. هذه المباني هي جزء من أمر لصالح مكتب إسكان الطيران التونسي.
تتكون المنهجية المقترحة، بعد تحديد الخصائص المعمارية لهذا المجمع المبني واستجواب سكانه، لتحليل الأداء الحراري لشقة نموذجية من القياسات والمحاكاة في الموقع. المتغيرات التي تم تحليلها هي درجة حرارة الهواء الداخلي، والتدفق الإشعاعي والحمل الحراري المتبادل والطاقة المخزنة في الغلاف.
النتائج التي تم الحصول عليها تشير إلى حلول غير غازية (مثل إضافة العزل الحراري على مستوى الجدران، وتركيب الزجاج المزدوج، وما إلى ذلك) مما يسمح بالتأثير على استهلاك الطاقة للمبنى وفقًا للمواصفات المعمارية.
يمكن أن يؤكد هذا النوع من النهج على الحاجة إلى القيام بأعمال إعادة التأهيل في مواجهة حالة التخلي عن المباني الرمزية للعمارة الحديثة في تونس. نظرًا لعدم توفر لوائح إعادة التأهيل من حيث القوانين والبرامج والأدوات والأطر المؤسسية، فإن عمليات إعادة تأهيل الطاقة تمثل تحديًا كبيرًا.
الكلمات المفاتيح
التراث المعماري الحديث - إعادة تأهيل - محاكاة حرارية.
Pour citer cet article
FARAH JAAFAR Rania, HARZALLAH Amina et AMMAR Leïla, « Vers une réhabilitation énergétique de l’architecture moderne. Immeubles d’habitation du quartier de St Exupéry à Tunis
», Al-Sabîl : Revue d’Histoire, d’Archéologie et d’Architecture Maghrébines [En ligne], n°16, Année 2023.
URL : https://al-sabil.tn/?p=3253
Texte integral
Ces vingt dernières années, l’architecture du XXe siècle, et particulièrement celle de sa deuxième moitié, bénéficie d’un regard renouvelé à la faveur de multiples investigations scientifiques, études thématiques et surtout travaux portant sur les procédés de sa protection. Face aux nouveaux enjeux énergétiques, sociaux et opérationnels, ce legs architectural est confronté à divers types d’opérations surtout en matière de réhabilitation et de transformation. Dans ce contexte, plusieurs opérations de réhabilitation ont été menées en Europe depuis les années 80 avec l’objectif commun de valoriser le patrimoine récent et de l’adapter à la vie contemporaine. Les problématiques de réhabilitation supposent d’améliorer le confort de vie des habitants tout en répondant aux nouveaux impératifs de réduction des consommations énergétiques et d’exigences environnementales. Comment intervenir alors de façon pertinente pour adapter un ancien bâtiment aux nouvelles normes de consommation énergétique et au confort de l’usager d’aujourd’hui ?
Nous nous proposons, dans cet article, de présenter les résultats d’une étude de réhabilitation thermique de l’enveloppe du bâti permettant de se conformer à la réglementation thermique tunisienne, tout en préservant l’identité architecturale du bâtiment. Notre objectif de départ étant de trouver des solutions à caractère non invasif permettant de protéger l’authenticité du bâtiment. Cette étude s’inscrit dans le cadre plus large d’une thèse portant sur la réhabilitation durable des immeubles d’habitation de la période de la reconstruction de l’après-guerre en Tunisie.
L’objectif de cet article est d’analyser la performance thermique d’un appartement témoin à partir de visualisation et de simulation thermique. Dans un premier temps, nous positionnerons notre corpus d’étude dans son contexte historique, urbain, architectural et législatif où nous exposerons la réglementation thermique tunisienne et ses lacunes. Ensuite, nous procéderons aux différents diagnostics afin d’aboutir à une interprétation physique du problème soulevé et des résultats obtenus.
Nous proposerons en conclusion, les limites de notre travail ainsi que des recommandations qui pourront être utiles à des futures recherches similaires.
1. Les contextes
1.1. Contexte historique de la Reconstruction
Dès 1943, la Tunisie était amenée à entreprendre des opérations de recasement. Ces opérations ont été conduites par les Services d’Architecture et d’Urbanisme dirigés par Bernard Zehrfuss. Les Services concernés avaient dressé un programme de recasement destiné à divers centres et diverses communautés par la mise en place des plans d’aménagement des villes telles que Bizerte, Sfax, Tunis, Sousse, etc. Selon Hounaida Dhouib, les architectes aspiraient à construire selon les principes et les techniques modernes, mais suggéraient un esprit méditerranéen avec l’utilisation de systèmes constructifs qui répondaient aux exigences climatiques, économiques et fonctionnelles des populations locales1.
1.2. Contexte urbain
Le choix du site d’intervention s’est porté sur les immeubles du quartier de « Saint-Exupéry »2 actuellement « cité Mahrajène » qui semble offrir un potentiel d’habitabilité. En effet, il s’agit d’un quartier d’habitation qui a été édifié au début des années 50 selon un plan d’aménagement proposé par le Commissariat de la Reconstruction et au Logement (CRL) suite à une commande de l’Office Tunisien du Logement de l’Aviation (O.T.L.A).
Le quartier compte des immeubles collectifs, semi-collectifs et des habitations individuelles. Il est pensé à la manière d’une cité-jardin3 où les logements sont répartis dans des immeubles dressés en barres détachées les unes des autres pour offrir des vues au centre des îlots. Ces centres sont aménagés suivant les principes du Mouvement Moderne et la Charte d’Athènes de Le Corbusier.
En effet :« Le paysage bâti se caractérise par des ensembles à échelle humaine et cela est lisible à travers l’aménagement des espaces verts, des aires de jeu pour les enfants ainsi que des équipements de proximité : école, crèche, espaces commerciaux »4.
1.3. Contexte architectural
Le quartier compte quatre barres identiques toutes orientées suivant un axe longitudinal Nord-Est Sud-Ouest. Chaque barre d’immeuble est dressée sur quatre étages et comprend 24 appartements dont la superficie habitable totale est de 640m² loggia comprise (voir figure n°2).
La volumétrie des immeubles est assez simple, une forme parallélépipédique avec un volume central en saillie orienté Nord-Ouest et traité par du claustra correspondant à une cage d’escalier et l’espace buanderie (voir figure n°3). La façade arrière bénéficie d’une orientation Sud-Est, avec un dispositif de régulation thermique assez particulier sous forme de lamelles horizontales : des brise-soleil (voir figure n°4).
1.4. Le contexte législatif
En Tunisie, la maîtrise de l’énergie est considérée comme une des priorités nationales couvrant tous les programmes et les projets qui ont pour objectif d’améliorer le niveau d’efficacité énergétique. Dans ce sens, plusieurs lois existent telle que la loi du 2 août 2004 amendée par la loi du 9 février 2009 permettant d’ouvrir la voie à l’autoproduction de l’électricité par les énergies renouvelables5, les arrêtés du 23 juillet 2008 et du 1er juin 2009 fixant respectivement les spécifications techniques minimales visant l’économie d’énergie des projets de construction et d’extension des bâtiments à usage de bureaux ou assimilés et des projets de construction et d’extension des bâtiments à usage résidentiel6.
En effet, pour la performance énergétique des bâtiments, la réglementation exige un seuil de classe énergétique minimale fixé à 5 pour les bâtiments du secteur privé et à 3 pour les bâtiments du secteur public.
Le cadre institutionnel tunisien semble bien développé. Ces réglementations sont toutefois obligatoires pour les nouveaux bâtiments à usage résidentiel et les projets d’extension des bâtiments existants du même type. De ce fait, le principal défi consisterait à mettre en place des stratégies de réhabilitation énergétique permettant d’adapter un ancien bâtiment aux nouvelles normes de consommation énergétique et au confort de l’usager d’aujourd’hui, tout en préservant son authenticité.
Dans ce sens, l’agence nationale de maitrise de l’énergie (ANME), en partenariat avec l'agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME)7, a lancé un travail spécifique pour la mise en place d’un label intégrant les performances énergétiques des bâtiments en Tunisie. Ce nouveau label ECO-BAT8 a été élaboré en 2013, sauf qu’il n’est toujours pas appliqué à ce jour9.
1.5. Le contexte ambiantal
Les questions de l’espace habité, des pratiques de l’espace et surtout du rapport à l’environnement et au monde biophysique ne devraient cependant pas être évincées au profit d’un cadre normatif et législatif du confort. En effet, la question de « l’habiter » est avancée comme étant centrale pour une sociologie, une anthropologie et une philosophie traitant des dimensions spatiales. Pour Heidegger, « habiter n’est pas une activité, à l’instar d’aller au travail ou d’aller chercher les enfants à l’école, mais un concept qui englobe l’ensemble des activités humaines. C’est un trait fondamental de l’être »10. Cette approche confirme que les êtres humains ne sont pas des êtres isolés, mais plutôt reliés avec d’autres individus ainsi qu’avec des normes et valeurs sociales et insérés dans différents contextes d’action11. Dans ce sens, Coccia nous invite à repenser la maison comme un espace mouvant d’accueil où l’homme doit « tisser des relations intenses avec certaines choses et certaines personnes, d’accueillir, dans une forme d’intimité, la portion du monde »12.
Thierry Paquot introduit le concept « habiter » en faisant référence au terme « habitable » qui vient du latin habitabiles, qui signifie tout simplement « où l’on peut habiter », et qui sous-entend que ce qui est « inhabitable » ne permet pas « l’habitation »13. Il pose aussi la question des relations que des habitants entretiennent avec leur territoire ainsi que les différents modes d’appropriation de l’espace. En effet, nos modes de vie ne sont rien d’autre que des dispositions acquises qui engendrent d’une manière directe ou indirecte nos pratiques quotidiennes. Dans le même sens, Catherine Furet14 travaille depuis plus de vingt ans sur une architecture de l’habitation qui a pour rôle de redonner sens aux zones de contact, lieux de confort, de partage et de lien :
« Bâtir des lieux à habiter, n’est-ce pas aussi rassembler tous ces espaces privés pour constituer avec eux une « société » où pourront se tisser des liens autres que ceux, contraints ou indifférents de la juxtaposition, ....de l’intérieur du logement lui-même, permettent de fabriquer des espaces singuliers auxquels les habitants puissent s’identifier : ce que j’appellerais des maisonnées qui, au-delà des logiques du collectif ou de l’individuel, offriraient une dimension d’urbanité », insistant ainsi sur le but de retrouver ce qu’elle appelle « le lien spatial »15.
Les recherches en sciences sociales n’ont commencé à s’intéresser aux liens entre architecture et logement que tardivement et c’est à partir des années 1980 qu’on commençait à développer une vision de la sociologie urbaine traitant essentiellement de la question de l’espace domestique et de l’habitat. Yankel Fijalkow insiste sur la distinction entre habiter et (se) loger et affirme que « si l’amélioration du confort des logements participe objectivement à la qualité du logement, le gain n’est pas toujours évident en termes de qualité d’habitat, qui prend en compte le rapport subjectif des habitants à leur milieu »16. C’est sur cette relation entre l’architecture de l’habitat et les manières d’habiter que nous souhaitons insister. En ce sens, l’habitat désigne les rapports entre le logement et son environnement. Marion Segaud insiste sur le fait que : « Quand on parle d’habitat urbain, on prend donc en compte non seulement la fonction résidentielle de la ville, mais également les autres fonctions qui permettent à l’homme de subsister et de s’approprier cet espace »17. Ainsi, logement et habitat renvoient-ils aux espaces physiques de la vie ordinaire.
Le contexte normatif traitant du confort thermique réduit la paroi d’une habitation à sa composition physique, en oubliant qu’il s’agit de l’interface entre un dedans et un dehors et qu’elle est constituée le plus souvent par des éléments architectoniques qui assurent une certaine perméabilité physique (visuelle, thermique, sonore, …). Cependant, Amphoux délimite trois formes de confort à savoir : le confort de commodité, le confort de maitrise et le confort de réserve18. Le confort est une notion subjective où le jugement de la qualité thermique d’une ambiance est directement lié à la sensation de neutralité, mais aussi aux conditions physiologiques et psychologiques dans lesquelles se trouve un individu à un instant précis. Afin d’assurer le confort thermique, le cadre normatif a fait recours à l’isolation des parois et cette systématisation génère une ségrégation sociale et la mise en place d’une logique d’isolement. En effet, pour Amphoux, le contrôle d’environnement au sens technique n’est rien sans la maitrise du milieu au sens pragmatique avec toutes les modalités sensorielles, qu’elles soient visuelles, sonores, tactiles et autres. Ainsi, dans le domaine des ambiances qui interroge aussi bien des dimensions quantitatives et qualitatives, l’habitant joue un rôle déterminant en s’appropriant le milieu de vie mais aussi en le transformant selon le besoin19.
2. Outils d’évaluation
Sous texte 1
La démarche de travail que nous envisageons d’utiliser combine à la fois une approche sensible et une autre physique, qui est présentée dans le cadre de cet article. Trois phases préliminaires doivent être accomplies en amont : tout d’abord, il faut choisir un appartement de référence qui présente des critères bien définis. Le choix s’est porté sur un appartement n’ayant pas subi d’interventions architecturales majeures par rapport à son état originel. L’appartement est composé de 3 pièces, une salle de bain, une cuisine et une buanderie. Il occupe le premier étage de la barre A (voir figure n°5). Il bénéficie d’une double orientation, Sud-Est et Nord-Ouest associant deux dispositifs de protection solaire. Du claustra au niveau des buanderies orientées Nord-Ouest (voir figure n°3) et des briseS-soleil en éléments préfabriqués en béton pour la façade Sud-Est (voir figure n°4). Cet appartement est habité depuis plus de soixante ans, par un couple de personnes âgées.
Une fois le choix de l’appartement de référence arrêté, il y a lieu de passer à la collecte des données qui serviront d’outils de validation expérimentale aux résultats de simulations. Nous avons effectué une campagne de mesure thermographique sur une zone donnée, afin de déterminer le comportement thermique de l’appartement et proposer des scénarios d’amélioration. La collecte de toutes les mesures et leur analyse permet de fournir une photographie très précise de la performance thermique d’une zone à un moment donné. Pour notre cas d’étude, l’appartement témoin étant habité, la réalisation d’une campagne de mesure sur une longue période était impossible. C’est pourquoi, nous avons réalisé une campagne de mesure ponctuelle combinée à un questionnaire dans le but d’étudier le confort thermique des occupants.
En dernière étape de ce protocole, il faut arrêter la liste des paramètres d’entrée, autrement dit le choix des données d’entrée qui peuvent être extraites directement à partir des documents graphiques ou bien moyennant les relevés et les visites sur site. Pour notre cas d’étude, nous retiendrons les paramètres suivants, identiques à l’ensemble des appartements :
- Orientation de l’immeuble.
- Typologie de l’immeuble.
- Situation de l’immeuble (altitude, latitude et longitude).
- Dimensions de l’enveloppe.
- Composition des différents murs.
- Typologie de l’immeuble.
- Situation de l’immeuble (altitude, latitude et longitude).
- Dimensions de l’enveloppe.
- Composition des différents murs.
2.1. Climat et données solaires
Le bâtiment est situé dans une région sud-méditerranéenne. La situation géographique du quartier Saint-Exupéry est de latitude 36° nord et de longitude 10° est. L’immeuble est implanté de façon que chaque logement bénéficie d’une double orientation, avec une exposition Sud-Est et Nord-Ouest, profitant ainsi des rayons solaires tout au long de la journée. D’après le diagramme solaire (voir figure n°6), nous constatons que les pièces de vie, orientées Sud-Est profitent des rayons solaires toute la matinée. Tandis que pour les espaces de service, orientés Nord-Ouest, ce n’est qu’en fin d’après-midi qu’ils bénéficient du rayonnement solaire.
2.2. Matériaux de construction
Le système constructif est fondé sur des murs porteurs en maçonnerie de moellons de 50 cm d’épaisseur avec une double assise de briques pleines tous les 60 cm de hauteur. Chaque bâtiment comporte deux joints de dilatation situés au niveau de tous les éléments de l’ossature, des fondations à la terrasse20. Les fenêtres utilisées pour les façades sont des fenêtres à simple vitrage avec un cadre en bois. Le plancher du RDC est identique aux planchers des étages et réserve un vide sanitaire utilisé en partie pour des garages individuels, des caves de service et un logement pour le concierge21.
3. Diagnostics
3.1. Diagnostic sensible
Le diagnostic sensible du confort thermique est une approche qui permet de comprendre la relation entre le vécu des occupants et les expériences sensorielles par rapport à leur environnement thermique, afin d'évaluer leur niveau de confort. Alors que les approches physiques du confort thermique se fondent principalement sur des mesures objectives, telles que la température de l'air ou le taux d'humidité, le diagnostic sensible prend en compte les dimensions subjectives et individuelles du confort, en reconnaissant que la perception du confort varie d'une personne à l'autre.
En effet, la perception du confort est multidimensionnelle et dépend de plusieurs facteurs, tels que les sensations thermiques, les émotions, les expériences passées, les attentes culturelles et les préférences individuelles. Ainsi, nous considérons que le confort thermique est une notion dynamique et évolutive au cours du temps et dans différents contextes. Afin d’établir un état des lieux des différentes qualités ambiantales originelles du corpus étudié, nous avons eu recours aux outils de sciences sociales. Les enquêtes qualitatives peuvent être utilisées pour recueillir des données sur les perceptions et les expériences des individus en matière de confort thermique. Ces enquêtes sur terrain ont été menées au moyen de questionnaire et d’observations in situ. Dans le cadre de cet article, nous développerons particulièrement les résultats du diagnostic physique et comme perspective future, nous envisagerons un croisement avec ceux du volet sensible.
3.2. Diagnostic physique
3.2.1 Audit énergétique sur plan
L’étape qui précède la réalisation des simulations consiste à effectuer un audit énergétique sur plan, moyennant un logiciel spécialisé. Pour notre cas, nous avons choisi CLIP22. Par définition, l’audit énergétique est un état des lieux détaillé des performances énergétiques de l’immeuble. Cette étude nous permet d’analyser les problèmes énergétiques rencontrés et de trouver les solutions pertinentes permettant de les résoudre. Conformément à l’arrêté du 01 juin 2009, fixant les spécifications techniques minimales visant l’économie dans la consommation d’énergie des projets de construction et d’extension des bâtiments à usage résidentiel, l’immeuble étudié est à vocation résidentielle puisque les espaces réservés à l’habitation constituent plus de 80% de sa surface utile.
D’après les résultats obtenus (voir figure n°7) et afin de maintenir la température intérieure du bâtiment à 20 °C en hiver et 26°C en été (dans l’intervalle de confort tel que défini par Fanger23), les besoins thermiques nécessaires sont de 16 kWh/m2 en hiver et 53 kWh/m2 en été. L’étude démontre que l’immeuble étudié se place dans la classe énergétique 6 des performances thermiques du bâtiment avec une consommation annuelle de 69 kWh /m². Nous remarquons également que le besoin thermique en été est nettement supérieur au besoin thermique en hiver et constitue plus du double. Certes, cet écart peut être justifié par le climat méditerranéen de la Tunisie mais cela laisse supposer qu’il y a une inadéquation entre les gains solaires et les besoins énergétiques.
3.2.2 Thermographie infrarouge
Un autre outil a été adopté dans cette phase de diagnostic, il s’agit de la caméra thermique24. Elle permet de déterminer les températures de surface et de déceler les éventuels défauts d’isolation à la source de l’inconfort. En effet, une mauvaise isolation peut créer des ponts thermiques importants et des températures de parois non uniformes. Les mesures thermographiques ont été effectuées tout le long de la journée du 21 mars 2022 et cela toutes les 4 heures d’intervalle. Le temps était nuageux et la température ambiante était de +12 °C. Toutes les photos ont été prises à une distance comprise entre 5 m et 10 m de la façade du bâtiment. (Voir figures n° 8 et n° 9). La thermographie permet de rendre visibles les rayonnements infrarouges invisibles à l’œil nu en y attribuant une couleur en fonction de l’échelle de température : le rouge correspond aux objets les plus chauds visibles à l’écran, et le bleu aux objets les plus froids. Grâce à cet instrument, il a été possible d'évaluer le rôle de la protection solaire du dispositif du brise-soleil installé le long de la façade orientée Sud-Est et assurant la maitrise du rayonnement solaire. En effet, d’après la figure n°9, nous remarquons que la température au point (centre de la croix) est de 22.2°C alors qu’à l’extérieur il fait environ 12°C. Afin d’éviter toute confusion, nous précisons que les températures indiquées au niveau des figures 8 et 9 correspondent aux températures de surface interne et non à la température ambiante. En ce qui concerne le dispositif claustra orienté Nord-Ouest, nous remarquons d’après la figure 9 que la température au point (centre de la croix) est de 19.8°C (paroi) et nous notons la présence des points faibles qui correspondent au claustra et sont à 21,8°C. Cet écart s’explique par le fait que la capacité thermique totale du mur est nettement supérieure à celle du vitrage au niveau du claustra.
4. Simulations dynamiques thermiques STD
Pour les travaux de simulation, nous avons sollicité l’aide d’un expert thermicien qui a contribué à la mise en place du modèle développé. Au niveau de cette approche, nous étudions principalement les paramètres nécessaires à l’évaluation du confort thermique (température ambiante, température de l’air interne, flux radiatifs et convectifs échangés et l’énergie stockée dans l’enveloppe, etc.).
Avant de procéder aux simulations, un protocole expérimental a été défini. En premier lieu, il est nécessaire de déterminer la typologie thermique de l’appartement de référence. La figure n°10 présente les différentes zones qui constituent notre corpus de simulation. En effet, l’appartement est à structure multizone25 de 77 m² dont les deux façades sont orientées Sud-Est et Nord-Ouest. Le découpage zonal a conduit à définir six zones thermiques : La pièce de vie et les deux chambres (réparties respectivement en ZONE 1 et 2), le couloir (ZONE 3), la salle de bain (ZONE 4), la cuisine et les toilettes (ZONE 5) et la buanderie (ZONE 6). La zone 5 est composée de deux pièces certes fonctionnellement différentes (cuisine et WC) mais il s’avère qu’elles sont thermiquement homogènes pour les besoins de chauffage et pour le confort d’été.
Ensuite, pour faire aboutir notre expérimentation, la modélisation dynamique du comportement thermique du bâtiment a été réalisée en combinant un modèle fondé sur la méthode du circuit électrique équivalent et programmé sur les logiciels Microsoft Excel et Trnsys26. Le modèle développé repose sur la méthode du circuit électrique équivalent où la résistance thermique est modélisée comme une résistance électrique équivalente et la capacité thermique du bâtiment est simulée par un condensateur électrique. Cette modélisation tient compte des différents paramètres physiques du bâtiment27 : capacité thermique, conductivité thermique, masse volumique, …
5. Interprétation des résultats de la simulation
Afin d’améliorer le confort thermique et pour minimiser les besoins thermiques du logement étudié, une simulation thermique dynamique a été effectuée. Cette simulation nous permettra d’étudier les différents échanges thermiques avec le milieu environnant, l’énergie stockée par la paroi et son influence sur la température interne de chaque zone du logement. Les données météorologiques (irradiation solaire, vitesse de l’air et température ambiante) pour les simulations ont été obtenues à partir de la base de données internationale METEONORM28. Les valeurs de l’irradiation solaire ont été traitées par le logiciel Trnsys afin d’obtenir les valeurs de l’irradiation incidente relatives à chaque façade de l’appartement. Pour étudier l’effet de la saison sur les besoins thermiques de l’appartement, deux saisons cibles ont été examinées. Les jours choisis dans chaque saison correspondent au solstice d’été et celui d’hiver.
Après avoir étudié l’état initial en termes de flux de chaleur, énergie stockée et température interne deux scénarios d’amélioration ont été étudiés :
- Scénario 0 : Etat initial
- Scénario 1 : Remplacement du simple vitrage par du double vitrage à faible émissivité
- Scénario 2 : Rajout d’une couche d’isolant (laine de roche 06cm) + une paroi en Placoplatre BA13 (épaisseur 02cm) du côté intérieur.
Nous présenterons dans ce qui suit les résultats des simulations réalisées pour chaque façade de l’appartement, en mettant en évidence dans le cadre de cet article, les résultats obtenus pour la zone dans laquelle l’écart est le plus significatif entre les 3 scénarios réalisés. Pour la façade orientée Sud-Est, nous présenterons les résultats de la zone 1 tandis que pour la façade orientée Nord-Ouest, les résultats de la zone 6 seront présentés.
- Scénario 1 : Remplacement du simple vitrage par du double vitrage à faible émissivité
- Scénario 2 : Rajout d’une couche d’isolant (laine de roche 06cm) + une paroi en Placoplatre BA13 (épaisseur 02cm) du côté intérieur.