Amina HARZALLAH et Imen REGAYA, « Introduction du colloque la patrimonialisation de l’architecture des XIXe-XXe siècles et sa réhabilitation », Al-Sabîl : Revue d’Histoire, d’Archéologie et d’Architecture
Maghrébines [En ligne], n°16, Année 2023.
URL : https://al-sabil.tn/?p=2760
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Ce recueil d’articles est le fruit du colloque sur « La patrimonialisation de l’architecture des XIXe et XXe siècles et sa réhabilitation » qui s’est déroulé du 27 au 29 juin 2022 à Beit al-Hikma à Carthage, en Tunisie. Proposé dans le cadre de la réflexion internationale actuellement menée sur la question de la patrimonialisation et de la sauvegarde du patrimoine bâti récent, le colloque a été organisé par l’École Nationale d’Architecture et d’Urbanisme de Tunis (ENAU) avec le laboratoire de recherche en patrimoine et architecturologie (LarPA) et l’Équipe de Recherche sur les ambiances (ERA) en partenariat avec l’Institut National du Patrimoine (INP), le laboratoire d'Archéologie et d'Architecture Maghrébines (LAAM), l’association Édifices et Mémoires Tunisie, l’association Docomomo France et avec le soutien de l’Ambassade de France en Tunisie -Service de coopération et d’action culturelle. Il a été réalisé en hommage au Professeur Jean-Pierre Péneau (1937-2021)1.
Le colloque avait pour objectif, d’une part l'élaboration d'inventaires scientifiques nationaux et internationaux tout en mettant en lumière les valeurs et les types de reconnaissance patrimoniales. D’autre part, cet évènement vise à évaluer, à l'échelle des bâtiments et des villes, l'impact de ce patrimoine considéré comme récent, sur l'adaptation des besoins et des attentes des usagers. Cette approche vise à comprendre dans quelle mesure leurs qualités intrinsèques peuvent contribuer aux transformations énergétiques et sociales en cours et comment consolider la connaissance des valeurs d'usage, des espaces, des qualités architecturales urbaines et paysagères du patrimoine.
En dernier lieu, mais non de moindre importance, cette rencontre présente des exemples concrets et pratiques de réhabilitation, montrant comment les bâtiments peuvent être améliorés tout en respectant leurs qualités architecturales originelles. Le but étant de sensibiliser les autorités locales et les pouvoirs publics sur l’intérêt de la mise en place d’une véritable politique de patrimonialisation visant la prise en charge, la valorisation et la réhabilitation du patrimoine bâti des XIXe et XXe siècles (monuments, villes de l’époque coloniale, ensembles urbains…). En d’autres termes, comment reconnaître ce patrimoine garant de la mémoire des lieux ? Comment le gérer, le préserver, le réhabiliter tout en répondant aux aspirations des usagers ?
Les contributions présentées lors du colloque sont issues de différents champs disciplinaires : histoire, architecture, urbanisme, sciences sociales, design... Nous remercions l’ensemble des intervenants pour leurs précieuses contributions.
Nous exprimons également notre reconnaissance aux membres du comité scientifique qui ont procédé à la sélection et à l’évaluation des articles issus des communications réalisées pendant ce colloque. Les articles sont répartis en trois axes :
Axe 1 : Patrimonialisation, référenciation et valorisation ambiantale
Le présent axe vise à interroger la valeur patrimoniale des édifices conçus en Tunisie et ailleurs, au cours des XIXe et XXe siècles, notamment par le biais des ambiances créées et ressenties. Quelles valeurs patrimoniales accorder à ce patrimoine ? Comment préserver la valeur patrimoniale matérielle et celle immatérielle ? Les qualités immatérielles peuvent-elles être patrimonialisables ?
Différentes recherches ont été présentées dans ce cadre de patrimonialisation, de référenciation et de valorisation ambiantale, dont quatre articles retenus pour être publiés dans les présents actes.
Les qualités immatérielles ont été étudiées à travers la qualification et la caractérisation des ambiances lumineuses et thermiques d’un musée archéologique et aussi à travers l'exploration et l'évaluation de la performance physique environnementale du patio d’un établissement humain historique des années 70 en Algérie. Un autre aspect a été présenté, celui considérant la ferronnerie ornementale comme élément patrimonial pouvant participer à la valorisation des ambiances architecturales de l’époque coloniale. Enfin, face à l’état d’abandon et à des opérations de rénovation pouvant être radicales, les enjeux de préservation du patrimoine moderne ont été abordés à travers la définition des identités architecturales de la production d’un architecte marquant de la Tunisie indépendante.
Axe 2 : Patrimonialisation, renouvellement urbain et réhabilitation durable
Cet axe s’attache à décrypter les enjeux de la requalification physique du patrimoine urbain des XIXe-XXe siècles. Les articles retenus tentent de répondre aux questionnements suivants : Comment concilier entre patrimonialisation et renouvellement urbain ? Ce patrimoine récent peut-il être un levier du renouvellement urbain et du développement durable ? Comment préserver l’authenticité de ce patrimoine, tout en procédant à sa réhabilitation et tout en répondant aux impératifs de la transition énergétique ?
Trois articles retenus dans ce numéro spécial d’Al Sabîl s’insèrent dans cet axe. Un article qui dénonce l’obsession contemporaine à renouveler l’image du patrimoine social d’après-guerre à Bruxelles, à travers des exemples d’intervention, ouvrant la réflexion sur la requalification physique de ce patrimoine. Le deuxième article aborde la question de la réhabilitation énergétique des immeubles datant de la période de la reconstruction en Tunisie à travers une étude de réhabilitation thermique de l’enveloppe du bâti permettant de se conformer à la réglementation thermique tunisienne, tout en préservant l’identité architecturale du bâtiment.
Enfin, les enjeux d’une patrimonialisation s’appuyant sur la richesse historique, architecturale et culturelle du lieu, pour permettre de le réintégrer dans une dynamique urbaine avec une perspective durable, ont été évoqués dans le troisième article, à travers l’identification du patrimoine architectural des XIXe et XXe siècles à Sidi Bou Saïd.
Axe 3 : Mémoire des lieux ; identité ; caractérisation et évaluation de la qualité d’usage
Cet axe aborde la question des usages et des modes de vie en mutation, et focalise sur les notions de mémoire collective, d’identité, de mémoire des lieux et sur l’évaluation de la qualité d’usage.
Le cadre bâti et l'espace de vie sont liés par la mémoire inscrite dans l’édifice comme lieu de mémoire. Tout lieu de mémoire est porteur de signification. La mémoire collective désigne la mémoire d'un groupe social dont le maintien fonde une identité. Aujourd'hui, le risque de voir son identité s'éroder est surtout exacerbé par des adaptations imposées, trop violentes, susceptibles de perturber le "genius loci".
La question posée ici est la suivante : Comment préserver l’identité et respecter la mémoire du lieu tout en s'adaptant à des usages évolutifs ?
La caractérisation et l'évaluation des qualités spatiales des bâtiments - lieux de mémoire - notamment celles liées à la « consommation » spatiale, au confort d'usage, à l'adaptation à l'usage courant, à l'accessibilité, à l'image et à l'identité... contribuent à la construction des connaissances autour du patrimoine bâti et notamment autour de l’architecture des XIXe et XXe siècles.
D’ailleurs, l'évolution des usages, des comportements et des modes de vie doit être bien appréhendée dans les opérations de réhabilitation.
Les participants de l’axe 3 ont exposé leurs recherches effectuées pour la caractérisation et l’évaluation de la qualité d’usage.
Quatre articles retenus dans ce numéro spécial d’Al Sabîl s’insèrent dans cet axe.
Le premier soulève le problème de la production architecturale en Tunisie, durant les années quarante, comme une alternative critique au logement minimum rationnel préconisé par le mouvement moderne. Le patrimoine minier a été le sujet prédominant du second article qui met en valeur l’aspect typique et les caractéristiques des atmosphères de la cité minière de Djerissa à travers sa mémoire. La question d’un patrimoine architectural et urbain en péril et la nécessité de songer à l’essor socioculturel et économique d’une ville coloniale tunisienne sont soulevés au troisième article. Le quatrième article nous éclaire sur l’identité des lieux et les qualités d’usage d’un tissu datant de l’époque coloniale en Algérie. Ces recherches ont mis l’accent sur l’importance de l’évaluation de la qualité d’usage de l’héritage des XIXe-XXe siècles et de la mise en œuvre d’un inventaire qui constituera une base de données nécessaire à toute opération de sauvegarde ou de réhabilitation.
À travers ces contributions, nous pouvons relever le rôle déterminant des facteurs liés aux usages, à la symbolique, et à la sociabilité, dans toute opération de réhabilitation.
Notes
1 Architecte, Docteur en sciences et techniques, enseignant et chercheur. Il a participé à la construction de la filière doctorale de l’ENAU avec l’habilitation d’un DEA en Architecture lancé en 1996, et a fondé l’ERA qu’il dirigea jusqu’en 2021. Tout au long de son parcours, il a œuvré à la définition d’une théorie des ambiances architecturales et urbaines, à la croisée du sociétal, du technologique et du sensible. Ses préoccupations de recherche étaient tournées également vers l’exploration des caractéristiques et des potentialités ambiantales et architecturales des œuvres du passé à valeur patrimoniale, ainsi que vers l’évaluation de leur performance énergétique au fil du temps.
Auteur
Ces deux auteurs participent équitablement à ce travail et sont considérés comme étant co-premiers auteurs.
Amina HARZALLAH
Architecte, Maitre-assistante à l’ENAU, Université de Carthage, Équipe de Recherche sur les Ambiances (ERA). Laboratoire de recherche en Patrimoine et Architecturologie (LarPA). ENAU.
Imen REGAYA
Architecte, Maître-assistante habilitée à l’ENAU, Université de Carthage, Équipe de recherche ASQu, Laboratoire de recherche en Patrimoine et Architecturologie (LarPA). ENAU.