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Numéro 14

14 | 2022

Nouvelles données sur Dãr al-Imãra de Kairouan :
à la lumière des informations textuelles et de quelques modèles architecturaux d’orient musulman

Asma Amara

Résumé

L’architecture palatiale islamique est née en Orient musulman, elle a été associée au mouvement des conquêtes arabo-islamiques et à la création des villes-camps « amṣār ». Chaque ville, se dote d’un palais mieux connu par Dār al-Imāra (“Maison de gouvernement”), qui se trouvait près du mur de qibla de la Grande Mosquée, comme établissement du pouvoir et d’habitation.

Mais, si quelques vestiges des palais urbains de Kūfa, de ʿAnjar, de Qaṣr al- Ḥayr al-Sharqī et de ʿAmmān, ont été conservés, à Kairouan rien ne subsiste de Dār al-Imāra, ces vestiges ont disparu. Des sources rapportent qu’elle a été transformée au XIVe siècle en silos de blé, archéologiquement approuvés, ce qui fait de Kairouan une capitale sans lieu de mémoire.

La description de Dār al-Imāra de Kūfa, qui a été fouillée par Muhammad ʿAli Muṣṭafā, pourrait s’appliquer à Dār al-Imāra de Kairouan, étant donné que l’organisation des villes-camps se distingue par un aspect régulier qui reprend le même schéma. Les nouvelles villes omeyyades pourraient aussi jouer un rôle dans cette conception. En fait, l’analyse des plans des palais urbains d’Orient, laisse apparaître une similitude presque parfaite entre le modèle Kairouanais et ceux d’Irak et de Bilād al-Shām.

Mots clés

Villes-camps/(amṣār), Dār al-Imāra, qaṣr, Kairouan, Kūfa.

Abstract

Islamic palatial architecture was born in the East, and was associated with the movement of Arab-Islamic conquests and the creation of the camp-cities « amṣār ». Each city has a palace best known by Dār al-Imāra, (“House of government”), which stood near the qibla wall of the Great Mosque, as an establishment of power and habitation.

While some remains of the urban palaces of Kūfa, ʿAnjar, Qaṣr al- Ḥayr al-Sharqī, and ʿAmmān, have been preserved, in Kairouan nothing remains of Dār al-Imāra, these vestiges have disappeared. Sources report that it was transformed in the XIV century into wheat silos archaeologically approved, making Kairouan a capital without a memorial site.

The description of Dār al-Imāra of Kūfa, which was excavated by Muhammad ʿAli Muṣṭafā, could be applied to Dār al-Imāra of Kairouan, as the organisation of the camp-cities is distinguished by a regular appearance that repeats the same pattern. The new Umayyad cities could also play a role in this conception. In fact, the plan analysis of the urban palaces of the East reveals an almost perfect similarity between the Kairouan model and those of Iraq and Bilād al-Shām.

Keywords

Camp-Cities / (amṣār), Dār al-Imāra, qaṣr, Kairouan, Kūfa.

الملخّص

نشأت عمارة القصور الإسلاميّة في المشرق الإسلامي وكانت متزامنة مع حركة الفتوحات العربيّة الاسلاميّة وتأسيس ما يعرف بمدن الأمصار. إذ تحتوي كلّ مدينة "مصر" على قصر يعرف أكثر بـ"دار الإمارة"، يقع بالقرب من الجدار القبلي للجامع، كمقرّ للحكم وللإقامة.

لكن في حين لا تزال آثار بعض القصور الحضريّة في الكوفة وعنجر وقصر الحيّر الشرقي وعمّان قائمة، فإنّ دار الإمارة بالقيروان قد فقدت كلّ معالمها، ولم يبق لها أيّ أثر، حيث تذكر المصادر أنّها حُوّلت في القرن الرابع هجري إلى مطامير لخزن الحبوب، وهو ما وقع التأكّد منه أثريّا، مّما جعل القيروان عاصمة بدون ذاكرة.

إنّ أوصاف دار الامارة بالكوفة التي كشفت عنها الحفريات الأثريّة التي أشرف عليها محمّد علي مصطفى، يمكن تطبيقها على دار الإمارة بالقيروان، سيما وأنّ كلّ مدن الأمصار تكاد تكون متشابهة من حيث التصميم، كما يمكن للمدن الأمويّة الجديدة أن تلعب دورا في هذا التمشي، خاصة وأنّ دراسة مخطّطات القصور الحضريّة في المشرق الإسلامي كشف لنا عن تشابه كبير بين النّموذج القيرواني والنّماذج الأخرى في العراق وبلاد الشام.

الكلمات المفاتيح

مدن الأمصار، دار الإمارة، قصر، القيروان، الكوفة.

Pour citer cet article

Asma Amara, « Nouvelles données sur Dãr al-Imãra de Kairouan : à la lumière des informations textuelles et de quelques modèles architecturaux d’orient musulman », Al-Sabîl : Revue d’Histoire, d’Archéologie et d’Architecture Maghrébines [En ligne], n°14, Année 2022.

URL : https://al-sabil.tn/?p=9413

Texte integral

Introduction

L'architecture palatine est considérée comme l'une des branches de l'architecture islamique en général et de l'architecture civile en particulier, bien que ce qui en reste de cette architecture est très peu par rapport aux autres branches de l'architecture arabo-musulmane, notamment l'architecture religieuse et l'architecture militaire, et c'est parce que ces monuments sont généralement soumis à la démolition, au changement et à la modification selon les désirs des dirigeants et à l'évolution des systèmes politiques, des besoins et des goûts au fil des années, et des époques.

En fait, l’Ifriqiya ne différait pas de ce qui existait en Orient, elle a connu l'architecture des palais depuis la construction de la ville de Kairouan, dont la fondation, nous le savons, s'inscrit dans le cadre de ce qu'on appelle les villes-camps (amṣār) comme Baṣra, Kūfa et Fustāt.

Dans tous les territoires conquis, aux VIIe et VIIIe siècles, les arabo-musulmans fixèrent le siège de leur pouvoir soit au sein d’un important réseau urbain (ainsi de Damas ou de Cordoue), soit dans des villes nouvelles qu’ils fondèrent (amṣār)1. Le schéma des villes-camps semble avoir été extrêmement simple: la Mosquée et Dār al-Imāra se trouvent au centre et sont entourées des quartiers d’habitation où les soldats et leurs familles sont regroupés selon leur appartenance triable.2

À l’instar des autres villes-camps, Kairouan fut dotée d’une Dār al-Imāra, (Palais de gouvernement), appelée aussi « qaṣr ». D’ailleurs, à partir de la deuxième moitié du VIIe siècle, tous les gouverneurs des premières cités fondées par l’Islam sur les terres conquises logèrent dans des châteaux (qaṣr). C’est aussi du même mot « qaṣr », qui implique un resserrement de l’espace et une fonction militaire dominante, qu’on désigne la dizaine au moins de châteaux omeyyades, construits entre 710 et 750 aux confins du désert syrien ou palestinien et qui ont subsisté jusqu’à nos jours.3

Toutefois, les premiers “châteaux” qaṣr apparurent dans toutes les colonies militaires (amṣār) que les Arabes victorieux fondèrent en pays conquis, ainsi que dans les villes antiques de tradition hellénistique et romaine, transformées par la conquête arabe où la Grande Mosquée est érigée sur l’emplacement de l’église, qui était auparavant un temple, comme par exemple à Damas, ou élevée dans un lieu resté disponible, l’agora comme à Alep.4

Le qaṣr accompagé d’une mosquée est également apparu dans les nouvelles villes omeyyades, telles que ʿAnjar et Qaṣr al- Ḥayr al-Sharqī, qui ont été fouillées.

Dār al-Imāra est donc attestée à Baṣra, à Kūfa, à Damas, à Alep, à ʿAnjar, à Qaṣr al- Ḥayr al-Sharqī, à ʿAmman et à Jérusalem.

Bien que Qaṣr al-Imāra de Kūfa soit bien connu, il constitue pratiquement le seul exemple des palais des capitales connues archéologiquement, Dār al-Imāra de Kairouan pose un problème sérieux: les témoignages textuels sont souvent postérieurs et très peu précis, et les connaissances apportées par l’archéologie sont maigres, particulièrement en ce qui concerne les vestiges architecturaux de Dār al-Imāra.

Dans ce cas, comment expliquer la forme de Dār al-Imāra? Peut-on proposer à partir de quelques modèles en Orient musulman un plan pour Dār al- Imāra de Kairouan? Ces modèles nous aident-ils à concevoir un plan pour Dār al-Imāra de Kairouan?

Le but principal de cet article est donc de mettre en relation Dār al-Imāra de Kairouan avec les palais urbains d’Orient.

Fig. 1. Kairouan: emplacement de la Grande Mosquée et de Dār Al-Imāra.
Source : Extrait de la carte topographique 1/50000.
Fig. 2. Vue satellitaire de la Grande Mosquée de Kairouan et de l’emplacement de Dār Al-Imāra.
Source : Image du site Google Earth à très haute résolution 2023. (Land Sat Copernicus)

1. Dār Al-Imāra de Kairouan: le contexte historique et archéologique

Dār al-Imāra (Maison de gouvernement), aussi connue à Kairouan Qaṣr al- Imāra,5 était le lieu où se tenaient les audiences du gouverneur, en plus de sa fonction résidentielle pour le gouverneur, sa garde et ses proches.6

Pour Dār al-Imāra à Kairouan, comme nous l’avons signalé plus haut, la relation entre textes et vestiges matériels est problématique: il n’y a que très peu de textes, et ils sont postérieurs, quant aux vestiges, ils ne sont plus conservés.

Alors que disent-elles les sources écrites ?

1.1. Les sources

En effet les sources nous rapportent que Dār al- Imāra était construite par ʿUqba Ibn Nāfiʿ lors de la fondation de la ville de Kairouan, dans l’emplacement connu par riḥbat tamir (رحبة التّمر), et qu’elle se situait derrière le mur de la qibla de la Grande Mosquée,7de telle manière de lui permettre d’y accéder directement sans passer par l’extérieur, à l’instar des autres villes- camps (amaṣār/ plur, miṣr) Baṣra, Kūfa, et Fusṭāṭ.8

À Kairouan, il y avait un espace central (ṣaḥn/ḥaram) que Hichem Djaït qualifie à Kūfa de “public”, siège de la mosquée et du qaṣr. C’est dans cette partie centrale que se trouvaient la place (raḥba) où se déroulaient les cérémonies, ainsi que les lots (qaṭīʿa, plur. Qaṭāʾiʿ/ ou khiṭaṭ) attribués de façon majoritaire, collective et tribale à quelques individus, dont les sources donnent les noms suivants: (Quraysh, kināna, Salīm …. des ʿAdnāniyah et des Anṣār, Aslam, Lakhm, Ghassān, Juhayna …. des Yamāniya).9

Dār al- Imāra à Kairouan garda sa fonction résidentielle et administrative tout au long de la période des wulāt, exception faite à l’époque d’Ibn al-ʿAkkī lorsqu' il décida de quitter Dār al- Imāra lors de la révolte de tammām ibn Tamīm et de se fortifier dans sa nouvelle maison qu’il s’était fait bâtir.10

Même au début de l’époque Aghlabide, Dār al-Imāra continue à associer fonctions administratives et fonctions d’habitations. C’est ainsi qu’Al- Mālikī évoque dans un premier récit qu’Ibrāhīm Ibn al-Aghlab, traversait le Simāt pour rejoindre Dār al-Imāra, et dans un autre récit, que le même Émir sortait une nuit de la demeure de Dār al- Imāra et entrait dans la Grande Mosquée pour faire la prière de la nuit. Les deux récits figurent aussi chez Ibn Nājī.11

En effet Dār al-Imāra fut le lieu de résidence de souverains de l’Ifrīqiya jusqu’où Ibrāhīm Ibn al-Aghlab se fixa à al-ʿAbbāssiya, première ville princière qu’il a fut construit pour échapper aux dangers du jund arabe. Elle se trouvait à deux/ à trois milles (environ 3 km), ou bien à quatre milles (à peu près 6, 4 km) au sud-est de Kairouan.12

Al-Bakrī disait que «lorsque Ibrāhīm vint à la ville-palais et s’y installa, il détruisit la demeure de Dār al- Imāra, qui était à Kairouan et qui se situait derrière le mur de la qibla de la Grande Mosquée, depuis son ouverture ».13L’allusion d’al-Bakrī pose en fait un problème sérieux. La destruction attribuée à Ibrāhīm Ibn al-Aghlab était-elle entière, avait-il réellement effacé toute trace de construction?

Toutefois la lecture d’autres sources en particulier les sources chīʿites montre que Dār al-Imāra semble avoir été maintenue tout au long de la période aghlabide, et même durant la période fatimide. C’est ce que nous constatons d’abord d’Al-Qāḍī al-Nuʿmān qui nous dit qu’après la fuite de Ziyādat Allāh III, le dernier Émir aghlabide, de Raqqāda vers l’Orient, à travers la grande route de l’Égypte, son chef suprême de l’armée, Ibrāhīm Ibn al-Aghlab pour sauver la situation, lorsqu’il atteignit Kairouan, marcha vers Dār al- Imāra et rassembla les foqahāʾ et les notables de la ville et quand les gens ont pris conscience de son arrivée, ils atteignirent Dār al- Imāra.14Cette information a également été partagée par Ibn ʿIdhārī et Al-Nuwayrī.15

De son côté Dāʿī Idrīss raconte aussi que lors de la révolte d’Abū Yazid (l’Homme de l’âne au milieu du IV/Xe s.,) le chef fatimide, Khalīl Ibn Isḥāk était à Kairouan accompagné de mille cavaliers, de soldats, et d’esclaves, il descendit à Dār al- Imāra chez le connu par Ibn Abū Khinzīr, et il a distribué des dons. C’est alors que les soldats se sont rassemblés, et des délégations sont venues.16

D’après ce qui précède, il y a suffisamment d’éléments pour affirmer que Dār al-Imāra de Kairouan, proto-aghlabide aurait également été peuplée de dūrs de chefs de l’armée, exclusivement destinés à un usage privé et résidentiel, tandis que l’émergence du concept de Dār al-Imāra officiellement envisagée comme un lieu pour l’accomplissement de fins administratives et représentatives et le siège de l’autorité Émirale constitue un phénomène antérieur.

On pourrait aussi supposer que Dār al- Imāra de Kairouan avait résisté même après la construction de Ṣabra al- Manṣūriya en 337/ 948,17 et que la destruction évoquée par Al-Bakrī n’était pas totale, ou elle est temporaire, ce qui explique qu’elle était toujours mentionnée dans les sources au moins en tant qu’élément de réunion ou de rassemblement.

Ibn Nājī présente également deux autres anecdotes qui pourraient attester que la destruction de Dār al- Imāra n’a eu lieu que tardivement. Il rapporte dans la biographie de ʿUqba: « qu’en l’an cinquante il fonda Kairouan y compris la Grande Mosquée et Dār al- Imāra, qui jouxtait la mosquée du côté de la qibla, que nous appelions aujourd’hui (à son époque) les "silos" (makhzen)”. Dans un autre passage il disait que: « L’Émir Ibrāhīm Ibn al-Aghlab traversait le Simāṭ pour rejoindre Dār al- Imāra, la maison de ‘Uqba à l’origine, qui a pris le nom aujourd’hui de magasin de stockage situé derrière le mur de la qibla de la Grande Mosquée. C’est à notre époque (rajoutait- il) qu’elle a été creusée comme des silos pour le stockage, comme c’était le cas auparavant ».18

Il est clair selon Ibn Nājī qu’à cette époque-là (IX-X/ XIV-XVe s) et même avant, Dār al- Imāra de Kairouan était transformée en un lieu de stockage, (makhzen), c’est-à-dire en des dépôts de blé. Avant cette époque, on ne dispose d’aucune indication à propos de l’aménagement architectural de Dār al-Imāra. Nos textes ne permettent pas d’avoir une idée sur ses dimensions, ni sur ses matériaux de construction. Aucune source n’est en mesure de nous éclairer sur son plan. Comment se présentait-elle? Comment était-elle construite? Quels sont ses organes? Sauf une seule indication à cet égard qu’elle est dotée d’un étage.

Al-Raqīq, rapporte que: “Yāzīd était un jour dans un étage “ʿalliya” علِّية, fait pour lui dans Dār al-Imāra”. Il rajoutait dans un autre endroit: “il est assis un jour dans son palais, regardant d’un étage avec sa concubine Ṭalla al-Qandahāriya”.19

Bref, les sources se limitent à nous renseigner uniquement sur l’emplacement et le fonctionnement de Dār al- Imāra. Or, que dit l’archéologie? Les vestiges fouillés sont-ils les restes de Dār al-Imāra? Ou s’agit-il des ruines de silos ?

1.2. Les données archéologiques

Tout d’abord, il faut indiquer qu’un premier Sondage a été effectué au cours des années cinquante (de 1953 à 1955), par la direction des Antiquités et Arts de la Tunisie, dans un terrain vague au sud de la Grande Mosquée de Kairouan (fig. 2 et 3), emplacement supposé des palais des gouverneurs jusqu’au XIe siècle, ou d’autres édifices publics notamment le « Bayt al- Ḥikma », l’ancienne université laïque de Kairouan. Bien que malheureusement, selon le rapport de fouille qui a été rédigé par Sidi Slimane Mostfa Zbiss, (inspecteur des monuments historiques de Tunisie à cette époque-là), il n’y a pas de traces percevables de ces édifices, et les pouvoirs publics, en creusant, au XVIIIe siècle, des silos à grains, dans cette zone ont détruit ce qui en subsistait.20

Vingt ans après, la zone jouxtant le côté de la qibla de la Grande Mosquée de Kairouan (un terrain s’étalant sur une superficie de 1147 m2) a en effet été fouillée de nouveau par Ibrahim Chabbouh, dans le cadre des grands travaux de restauration engagés dans la Grande Mosquée de Kairouan, et lors d’une série de campagnes archéologiques intermittences (de 1969 à 1974), qui ont mis au jour trois couches de constructions correspondant à trois phases architecturales différentes d’occupation de la zone, datées par les deux chercheurs de l’INP, Taha Khechine et Soundes Gragueb Chatti, respectivement des périodes aghlabide, fatimo- ziride/ almoḥade et ḥafṣide.21

Cependant, malgré la valeur scientifique du matériel archéologique étudié et publié par Taha Khechine et Soundes Gragueb Chatti,22 la fouille n’a pas pu donner des conclusions définitives au sujet de Dār al-Imāra. En effet, les deux chercheurs affirment que : “les six ou sept siècles d’occupation qu’avait connu, le terrain dit “Dār al-Imāra”, à révélé des vestiges étalés chronologiquement entre le IXe et le XIVe siècle : des échoppes, des demeures privées, des silos à grain”. Ils rajoutaient que: “Dans l’état actuel des recherches, nous ne sommes pas en mesure de parler de “maison de gouverneur” (Dār al-Imāra)”.23

Il est à constater, qu’en raison de nos connaissances archéologiques actuelles et du manque d’informations dans les sources écrites, nous ne sommes pas en mesure d’indiquer une date précise pour la construction de Dār al-Imāra de Kairouan, ni de proposer un plan architectural spécifique pour sa réalisation. Il convient surtout de garder en mémoire que nous ne savons pratiquement rien de sa disposition interne.

Néanmoins, la seule méthode disponible en ce moment pour comprendre l’architecture de Dār al- Imāra, c’est de prendre comme échantillon une ville-camp où l’on dispose d’un plan à peu près complet de Dār al- Imāra, notamment al-Kūfa, qui pourrait permettre de fournir des pistes intéressantes à cet égard, surtout que presque toutes les villes-camps répondent dans leur organisation, à la même disposition.

Fig. 3. La zone jouxtant le mur de la qibla de la Grande Mosquée de Kairouan
Source : Cliché A: AMARA

2. Quelques exemples de Dār al-Imāra en Orient musulman

2.1. Dār al-Imāra de Kūfa comme modèle dans l’architecture palatiale islamique

Le Qaṣr al-Imāra de Kūfa fouillé par la Direction des Antiquités d’Irak (de 1938 à 1956),24constitue l’exemple le plus important d’une Dār al-Imāra connue archéologiquement au pays d’Islam (fig. 4, 6 et 7). Ainsi les fouilles ont révélé l’existence de trois nivaux : un premier niveau qui coïnciderait avec l’époque primitive (dār de saʿd), avec des fondations de 90 cm de profondeur sur terrain vierge, un second niveau, de loin est le plus important, qui est d’époque omeyyade, enfin le niveau abbasside qui n’est que la restauration du palais omeyyade. De sorte que ce qui subsiste du qaṣr comme l’évoque Djaït correspond pour l’essentiel au qaṣr omeyyade, soit donc à l’oeuvre de Zied.25

Cette datation a été effectuée par Muhammad ʿAli Muṣṭafā, et publiée à plusieurs reprises dans ces rapports sur les fouilles de Kūfa.26 Elle a été aussi adopotée par Djaït dans son ouvrage sur l’urbanisme de Kūfa.27

Certes une étude récente sur “Le Qaṣr al-Imāra de Kūfa”,28a mis en doute cette interprétation des différents niveaux exhumés dans les fouilles de Dār al- Imāra. En effet, Aila Santi a tenté d’une part de déplacer la datation de la première couche du qaṣr de Saʿd b. Abī Waqqāṣ à Ziyād b. Abīhi. Ensuite elle a essayé de montrer la ressemblance du plan du bâtiment identifié par Muṣṭafā comme la deuxième période d’occupation du site avec les édifices de l’époque marwānide tardive, car elle a remarqué qu’en cherchant des comparaisons, ce qui est frappant, c’est de constater que la plupart des caractéristiques du plan, ne trouvent pas de parallèle dans les édifices datés avant le califat d’al-Walīd Ier, et que la plupart des ressemblances concernent des complexes datés après le califat de Hishām.29 Djaït, à son tour, s’était demandé si l’époque primitive peut donc aussi bien correspondre à ce qu’a fait Ziyād qu’à ce qu’ont fait ses prédécesseurs. Mais quels prédécesseurs?30 Alors, comment était le plan initial de Qaṣr al- Imāra de Kūfa et comment a-t-il évolué?

La couche dite première correspond à un bâtiment carré massif (113,95 x113,86 m) de côté, construite en briques cuites, mesurant 36 x 36 x 9 cm, mais irrégulière, quelquefois la demi- brique ou un simple fragment, et le gypse comme liant pour les briques ou bien, mélangé à des morceaux de brique, pour paver l’édifice. L’épaisseur des murs allant de 1,80 3 à 2 m. Ces fondations sont celles de remparts rasés, qu’ont reprises, selon Djaït, les constructeurs postérieurs pour ériger au-dessus desquelles de nouveaux remparts, à peu près de même dimension, qui correspondent à celles des murailles internes. Avec des contreforts carrés, au nombre de vingt, se trouvant toujours au même emplacement et plongent dans les restes des anciennes tours, au nombre exactement équivalent, coïncidant avec une grande unité résidentielle individuelle. Il n’y a ni d’objets ni de motifs d’ornementation pour cette période.31

Une puissante forteresse que l’archéologie nous permet d’apercevoir pour ce niveau. Ses fondations, comme nous l’avons signalé, atteignent une profondeur de 90 cm sur un sol vierge, ce qui est en fait la première construction élevée à cet endroit.

La deuxième couche du Dār al- Imāra de Kūfa consiste en un imposant palais construit aussi en briques cuites et mortier de gypse, entouré d’une enceinte intérieure (110,24 x 110,36 m), et d’une enceinte extérieure (168,20 x 169,68 m), épaisse de 4 m, elle se trouve flanquée de 23 tours (fig. 5). L’intérieur de l’enceinte intérieure est divisé en trois parties orientées nord-sud exactement comme à ʿAnjar et Mshattā, et dominées par une grande cour centrale, avec un īwān précédé d’un portique à triple arcade reposant sur des piliers ronds au centre de chaque côté. Celle du côté sud- comportant probablement un pīshtāq, (comme dans la façade de la salle basilicale de Mshattā et plus tard à Ukhayḍir), formant la façade d’une grande salle basilicale divisée en trois nefs par deux rangées de trois colonnes et culminant dans une salle carrée avec des niches de chaque côté, probablement à coupole. Le reste du plan est organisé en groupes de pièces constituant des bayts persans et syriens, et une grande unité d’habitation de type dār.32

Alors que le palais primitif était constitué d’une seule unité, le second palais se déploie comme un complexe palatial se composant de plusieurs unités, très exactement de trois ensembles longitudinaux dont le rectangle central est le noyau monumental.33

Le corps principal du bâtiment, avec sa salle basilicale en forme d’īwān et son dôme (fig. 5), paraît avoir combiné des traits architecturaux sassanides et méditerranéens comparables à ce qui existe par ailleurs à Mshattā et à Ukhayḍir.34

S’appuyant sur le rapport préliminaire établi par Muhammad ʿAli Muṣṭafā sur les fouilles de Kūfa, Hichem Djaït a démontré que les grandes salles de réception (bahw), les īwāns flanqués d’ailes, les dūr, les chambres carrées, les salles longitudinales, les corridors, les porches, forment l’essentiel de son articulation architecturale. La grande salle du centre frappe par ses dimensions, les rangées de colonnades qui la prolongent et viennent donner sur une salle à dôme. Frappantes sont les ressemblances entre tel īwān et ce qu’il en est à Ukhayḍir, entre la section sud et le château de Mshattā. Hichem Djaït pense que le style dit de Ḥira prédomine, alors que certains éléments de la haute époque abbasside telle que la disposition verticale des briques remonteraient très loin dans le temps (Akkadiens, Kassites).35

Bien que Hichem Djaït souligne que nous connaissons mal la décoration omeyyade parce qu’elle a été détruite et qu’il faut supposer, malgré tout, l’existence de peintures, de motifs animaliers et humains. Au contraire Oleg Grabar après avoir remarqué que les fouilles qui y ont été menées dans ces palais urbains ont révélé beaucoup moins d’éléments de décoration architecturale que dans les villas de campagne, il estime que ces résultats confirment le caractère unique de l’exubérance ornementale de ces dernières et indiquent également que les premiers souverains musulmans évitaient l’ostentation dans la décoration de leurs palais lorsque ces derniers étaient accessibles à la masse de la population.36

Toutefois Hichem Djaït rapporte qu’en dépit de notre ignorance de remaniements apportés au qaṣr par les divers gouverneurs omeyyades et dont nous percevons quelques pâles échos dans les sources écrites, on peut affirmer que l’œuvre de Ziyād à Kūfa (le plan de la deuxième couche) représente un tournant majeur dans la morphologie de la ville comme dans l’architecture islamique. Le qaṣr n’est pas seulement une forteresse, c’est un grand et vaste palais où se déploie la munificence du pouvoir.37

Ce passage confirme ce qui est rapporté par d’autres auteurs qui sont unanimes pour affirmer que le tracé extrêmement élaboré de ce plan constitue une synthèse sans précédent de types architecturaux puisés indistinctement dans le milieu monumental oriental et occidental, prouvant que nous sommes face à un produit exceptionnel de ce système typiquement impérial, que Herzfeld appelait « liturgie », par lequel les matériaux, les ouvriers, les artisans et les architectes de toutes les régions de l’Empire étaient recrutés et coordonnés par un pouvoir global centralisé pour la réalisation et l’accomplissement de ce magnifique projet de construction.38

Fig. 4. Vue satellite du complexe (mosquée_Dār al-Imāra) de Kūfa tel qu’il apparaît aujourd’hui.
Source : Google Earth 2023.
Fig. 5. Kūfa : plan de la deuxième couche du Dār al-Imāra d’après Creswell,1979, I, 1, fig. 18, p.54, remaniement après Muṣṭafā, 1963, fig.2 p.44.
Fig. 6. Dār al-Imāra de Kūfa 1977.
Fig. 7. Dār al-Imāra de Kūfa 2012.
Source : Cliché A: NORTHEDGE.

Tel qu’il se présente le Qaṣr al-Imāra de Kūfa, est le fruit d’une série d’adjonctions et de restaurations qui remonte à l’époque Omeyyade. Alors, peut- on parler d’une Kūfa modèle sur le plan architectural du Dār al-Imāra ? En fait, d’autres « copies » de Dār al-Imāra existent, grâce auxquelles on pourrait vérifier cette hypothèse.

2.2. Les imitations de Dār al- Imāra de Kūfa

Dār al- Imāra de Kūfa a largement exercé son influence sur l’architecture des palais urbains islamiques à l’époque omeyyade, bien que seuls quelques vestiges de ces palais aient été conservés. Cette influence s’exerçait de deux manières : le concept de Dār al-Imāra qui se trouve toujours près du mur de la qibla de la Grande Mosquée, et l’imitation précise du plan.

D’ailleurs la même forme de Dār al- Imāra est attestée à ʿAnjar (fig. 8), interprétée comme une ville neuve, presque carrée 309 m x 377 m, où on voit quatre avenues à portiques qui se joignent à un tetrapyle (fig. 9). Le site daterait d’environ 96/ 714. À l’intérieur de l’enceinte se trouvent trois palais, dont un inachevé, une mosquée, deux bains, des échoppes sur les rues à portiques, et un ensemble de maisons.39 ÀʿAnjar, les structures de Dār al-Imāra restent également perceptibles, même si la ville tire ses origines du monde classique. Les côtés nord et sud de la cour du grand palais (Dār al-Imāra) sont bordés par deux imposants ensembles qui ouvrent sur la cour par une seule porte chacun. Chaque ensemble se compose d’une salle basilicale terminée par une abside flanquée de petites cellules (fig. 10). À l’est de la salle basilicale nord se trouve une porte qui fait presque face à une porte d’accès secondaire à la mosquée (fig. 11). Le mur sud de la mosquée, dit qibla, est interrompu en son milieu par une niche qui déborde de 128 cm sur le chemin qui sépare le palais de la mosquée.40

Ainsi à ‘Anjar, nous voyons, comme Finster a pu le démontrer, la division du plan de Dār al-Imāra en trois parties, déjà connue dans la région mésopotamienne, comme le montre Dār al- Imāra à kūfa et plus tard, le fort d’al-Ukhayḍir.41

Fig. 8. Vue satellite de la ville de ‘Anjar tel qu’elle apparaît aujourd’hui.
Source : Google Earth 2023.
Fig. 9. Plan de la ville Omeyyade de ‘Anjar.
Source : Finster B., 2008, fig. 1, p. 237.
Fig. 10.Le Grand Palais (Dār al-Imāra) de ‘Anjar
Fig. 11. La Mosquée de ‘Anjar.

De même Dār al- Imāra est attestée à Qaṣr al- Ḥayr al-Sharqī , site Omeyyade qui se trouve à 110 km à l’est-nord-est de Palmyre, définie comme ville neuve par A. Northedge.42 Elle comporte deux enceintes carrées (fig. 12):
- la petite mesurant 70 en moyenne, a été interprétée comme khān ou caravansérail par O. Grabar qui a fouillé ce site, et comme palais par A. Northedge, cette deuxième interprétation a été partagée aussi par D. Genequand, qui voit dans cet édifice le palais califal de Hishām b. ʿAbd al- Malik commanditaire du site.43 Il présente deux étages et est encore préservé jusqu’à 11 m de haut par endroits, à l’intérieur de l’édifice, les pièces sont organisées sur deux niveaux autour d’une cour centrale à portiques, le plan des deux niveaux est presque le même et présente l’arrangement habituel des palais omeyyades de type classique: des regroupements de pièces en appartements (bayt/buyūt). Autrement dit, les appartements se composent d'une grande pièce centrale ouvrant sur quatre ou cinq pièces plus petites.44
La grande enceinte, qui mesure 167 m de côté est qualifiée de ville-madīna- par une inscription monumentale qui indique aussi la date de 728-729/110 h, et l’origine des maçons: “les habitants de Homṣ”, elle regroupe une mosquée dans l’angle sud-est, une unité industrielle avec des pressoirs à olives (huilerie), huit ou neuf unités résidentielles (de luxueuses maisons), et une ou deux unités restées vides de construction, utilisées comme cours pour les maisons voisines, ces dernières comprennent un appartement (bayt) typique de l’architecture omeyyade, des locaux de service (latrines, salles de bain, entrepôts, etc.) et une petite cour à portique en position centrale.45

L’unité VI (Building A), dans cette ville (grande enceinte) était interprétée par O. Grabar comme ayant une fonction officielle ou administrative et considérée comme Dār al-Imāra (Maison du gouvernement), étant donné que son plan diffère légèrement des autres, et a un lien étroit avec la mosquée (fig.13).46 Il est important de relever ici que le plan de cette mosquée est typique de celui des mosquées congrégationnelles omeyyades.47

Fig. 12. Plan de la grande enceinte et du palais (petite enceinte) de Qasr al-Hayr al-Sharqi.
Source : (D’après Genequand D. 2008, fig. 2, p. 277 ; 2012, fig. 76, p. 100.)
Fig. 13. Plan de la grande enceinte, (complexe mosquée_Dār al-Imāra).
Source : (D’après Grabar O. 1970, fig. 6, p.58.)

A. Northedge de son coté n’est pas satisfait de l’idée de Dār al-Imāra, proposée par O. Grabar, et il avance que la maison du secteur VI (fig. 12) est presque l’équivalent des plus grandes maisons du palais al-Iṣtabulāt à Samarra.48

D. Genequand et sans rejeter catégoriquement la possibilité d’une Dār al-Imāra (fig. 12), il voit que plus probable que toutes les unités présentant plus ou moins le même plan avaient la même fonction résidentielle et étaient les maisons des élites, dont certaines ont gardé un statut plus élevé durant la seconde moitié du IIIe/IXe siècle, et il serait plus logique de chercher la fonction officielle ou administrative dans le palais voisin, dès lors qu’il n’est plus considéré comme un caravansérail, comme l’ont déjà suggéré Jean Sauvaget et Creswell et comme l’a proposé à nouveau Northedge.49

Dans ce cas Qaṣr al- Ḥayr al-Sharqī, pourrait être exceptionnel dans la mesure où le palais (ou résidence principale) est situé en dehors de la cité (la grande enceinte) dans un château carré typique (la petite enceinte).50

À ‘Ammān Northedge a identifié Dār al-Imāra dans la ville basse derrière le mur de qibla de la mosquée (fig. 14). Il s’agit d’un grand palais mesurant 126 m x 126 m, composé d’une grande salle d'audience à quatre iwāns interieurs à l'entrée, une rue à colonnes, et une seconde salle d'audience avec un iwān et une chambre à dôme, et au moins huit bâtiments résidentiels : une salle de réception à quatre iwans a été construite en premier, puis la construction a continué au nord. Northedge constate qu’il y avait un ʿāmil (gouverneur civil) à Balqā, résidant probablement à ʿAmman et il semble que le qaṣr était son Dār al-Imāra.

Cette interprétation a été basée sur l’emplacement de la grande salle d’audience qui se trouve à l’entrée du palais, et qui domine le complexe : sans doute était-elle destinée à servir de lieu d’audience publique. Selon le style architectural du palais il suggère que le complexe doit être daté vers la fin de la période omeyyade, approximativement sous le règne de Hishām (105/724- 125/743).51

Fig. 14. Le palais omeyyade d'Amman (Dār al- Imāra).
Source : (D’après Northedge, 2020, fig. 29, p. 141.)

Toutefois, bien que l’urbanisme omeyyade se révèle d’une complexité remarquable : à côté des villes camps, simples et conçues de manière pragmatique, il y a des reprises des modèles antiques, comme à ʿAnjar, ou des formules nouvelles, comme à Qaṣr al- Ḥayr al-Sharqī, il est clair, tel que le montre l’étude de Dār al-Imāra dans quatre sites différents, que ces palais urbains (Dūr al- Imāra) comportent un trait caractéristique: la cour centrale est entourée de regroupements de plusieurs pièces autour d’une courette, qui seule, communique avec la cour centrale. Ces arrangements ont été appelés “bayt/ buyūt” "appartement” par les archéologues.52 Ces palais contiennent aussi des salles basilicales destinées aux audiences, et des īwāns.

On conviendra que ces exemples éparpillés viennent renforcer notre propre hypothèse d’une Dār al-Imāra - modèle ou, à tout le moins, d’une Dār al-Imāra qui aurait un rôle éminent dans la clarification d’une architecture palatine islamique.

Mais peut-on proposer à partir de ces modèles, un plan pour Dār al- Imāra de Kairouan au IIe/ VIIIe siècle ? À quel type de palais appartient-elle ? Et est-ce qu’elle est fortifiée, comme c’est le cas pour Dār al-Imāra de Kūfa, de ʿAnjar et de Qaṣr al- Ḥayr al-Sharqī ?

3. L’analogie entre Dār al- Imāra de Kairouan et les palais urbains orientaux

3.1. Sur le plan architectural

Quoiqu’elle soit importante, l’étude de Taha Kechine et Sondes Gragueb Chatti n’a pas pu donner des conclusions définitives au sujet de Dār al-Imāra.

Cependant, il est évident de croire que, sur le plan architectural, Dār al-Imāra de Kairouan prenait dans une certaine mesure comme source d’inspiration le Qaṣr al-Imāra de Kūfa. En fait, il n’est pas possible de montrer comment une telle transition aurait pu se produire. Tout ce qu’on peut dire c’est que le type de la ville se base également sur un précédent en Islam : les trois amsār de Kūfa, de Baṣra et de Fūsṭāṭ (fig. 15). D’ailleurs comme l’avait bien remarqué Muhammed Hasen toutes les tribus arabes qui sont descendues sur place et ont participé à la fondation de la ville de Kairouan, étaient toutes installées à Fustāt auparavant.53

C’est ainsi que le plan de Kairouan était tracé d’une manière évoluée d’après les amṣār. Des éléments fondateurs composent l’espace de la ville et se repètent étroitement à Fustāt et à Kairouan: une grande aire centrale (ṣaḥn) -le (ḥaram) à Kūfa, englobant le masdjid et le qaṣr, et entourée par des lots tribeaux d’habitation (khiṭaṭ).54

Il semble donc que Dār al- Imāra de Kairouan ne puisse pas ne pas tenir compte de l’expérience architecturale assimilée en Orient par les Arabes, étant donné que le plan de la ville était tracé d’une manière semblable au plan des amsār.

Fig. 15. Schéma des dispositions des amṣār de Kūfa, Baṣra et Fūsṭāṭ.
Source : (D’après Northedge, 2020, fig. 23, p. 150.)

Dès l’origine, Dār al-Imāra de Kairouan jouxtait la Grande Mosquée du côté sud-est. Cette position fut maintenue durant la période Omeyyade et, sans doute, au début de l’époque Abbasside/ Aghlabide selon les textes.

Cette combinaison architecturale de la mosquée du vendredi et du Dār al-Imāra représente l’un des signes les plus distinctifs de la civilisation arabo-islamique, et l’un des éléments les plus significatifs du langage architectural monumental de l’islam primitif. C’est un trait très important étant donné qu’elles sont toujours, ou presque, situées près de la Grande Mosquée de la ville. Tel est le cas pour le plus important de cette première série de construction (fig.15). Cette combinaison a été maintenue même dans les villes nouvelles, qui étaient conjointement la descendance des amṣār (ʿAnjar, fig.9).

D’ailleurs en Syrie Muʿāwiya aurait construit al-Khadhrā derrière le mur de qibla de la Grande Mosquée de Damas, lorsqu’il est gouverneur de la Syrie pendant le califat de ʿUthmān, entre 23/644 et 35/ 656, mais n’en a pas encore retrouvé les vestiges archéologiques, et nous ne possédons que l’évocation dans les sources d’une magnifique salle à coupole.55 Cette habitude dérivait sans doute de la maison du Prophète à Médine qui constituait en même temps la mosquée de la communauté et la résidence du prophète.56

Il est bien évident que le plan de Dār al-Imāra de la capitale de l’Ifrīqiya, était une bonne représentation de la structure de Dār al-Imāra dans le monde musulman à l’époque Omeyyade, et que le Qaṣr al-Imāra de Kūfa s’est posé comme modèle sur le plan architectural.

Il faut d’ailleurs noter que tous ces élements (plan des palais, structure, existence des īwāns et de la salle basilicale, emploi de bayt) vont continuer à jouer un rôle significant dans l’architecture des palais islamiques en Ifrīqiya par la suite et tout au long du Moyen Âge, comme en particulier aux palais, de Raqqāda, de Mahdia et de Ṣabra al-Manṣūriyya. Sans oublier l’influence du plan des maisons romaines qui continuait par la suite dans les plans du palais.

Si l’on examine l’ancien palais de la ville palatine Raqqāda, fondée en 876 par Ibrāhīm II, à environ 9 km au sud de Kairouan, on constate qu’il s’inspire pour l’esentiel des palais syriens. La salle basilicale de ce palais relève également de l’architecture omeyyade, elle est exactement comparable à celle du palais de ʿAnjar, qui comporte comme la salle ifrīqiyenne une abside terminale (fig.10). Cette salle d’honneur est le premier exemple connu à Ifriqiya de la véritable salle basilicale empruntée à l’architecture omeyyade (fig. 17 et 18).57Il est important à cet égard de garder à l’esprit que nous avons affaire ici à l’un des premiers exemples survivants d’un palais aghlabide (fig. 16).

Fig. 16. Plan de l’ancien palais de Raqqāda, remaniement d’après M. Chabbi, 1968, p. 38910.
Fig. 17. La salle basilicale de l’ancien palais de Raqqāda
Fig. 18. L’abside de la salle basilicale.
(Cliché A: AMARA).

L’autre salle de réception ifrīqiyenne que l’on peut comparer à celles des palais omeyyades appartient au palais de Qaṣr al-Qāïm à Mahdia. Il s’agit d’une salle basilicale à trois nefs perpendiculaires à l’abside dont les deux nefs nord et sud étaient mosaïquées (fig. 19).58 Cette salle d’honneur est le deuxième exemple connu à Ifrīqiya, de la véritable salle de reception basilicale.

Fig. 19. Fouilles de Mahdia. Qasr al-Qaïm, Salle de trône.
(D’après A. Louhichi, 2004, fig.17, p. 157.)

À Ṣabra al- Manṣūriyya, en effet comme c’est le cas à Raqqāda et à Mahdia, dans le premier palais fouillé (sud-est), le bloc central qui semble avoir monopolisé les fonctions de réception et de représentation, était divisé en trois nefs parallèles entre elles et perpendiculaires au plus long côté de l’édifice, s’ouvrant sur une arrière-salle disposée en T (fig.18).59

Fig. 20. Ṣabra al- Manṣūriyya. Plan shématique du palais sud-est (d’après E. Danato).
Cressier P. & Triano A. V., 2015, fig. 9, p.159.

L’évolution ultérieure laisse penser donc que l’architecture palatiale postérieure, nétait pas très différente de celle qui prévalait pour Dār al- Imāra de Kairouan.

D’ailleurs, la salle basilicale existait déjà à Qaṣr al-Māʾ, Al-Raqīq rapporte que Mūsā Ibn Nuṣayr, après avoir conquis l’Espagne et en retour à Kairouan y organisa une fête à Qaṣr al-Māʾ, et il est assis dans une salle d’audience, dotée d’un bahw situant derière un rideau.60

La fonction de réception était donc essentielle pour les complexes ifriqiyens primitifs et islamiques. Les salles basilicales étaient le lieu du majlis. L’importance du majlis dans Dār al-Imāra de Kairouan peut se voir comme on l’a déjà vu dans les allusions qui nous rapportent les textes. On pense probablement, que l’étage (ʿaliya) évoqué par Raqīq à Dār al-Imāra, à l’époque de Yāzīd ibn Ḥātim, consiste en une salle de réception qui se trouvait au-dessus de la porte d’entrée, comme c’était le cas le plus souvent dans les châteaux omeyyades du désert comme à Qaṣr al- Ḥayr Ouest et à Khirbat al-Mafjar.61

3.2. Au niveau de la fortification

Il est également fort probable que le complexe de Dār al-Imāra à Kairouan, soit fortifié, comme à Kūfa. Hichem Djaït, de son côté, accepte l’idée d’une construction imposante, et, comme en Orient fortifiée, bien qu’en se basant sur le texte d’al-Bayān, qui nous dit que, lors de la révolte de tammām ibn Tamīm, le gouverneur al-ʿAkkī préféra se fortifier dans une nouvelle maison qu’il s’était fait bâtir plutôt que dans le Qaṣr, ce qui tendrait à faire croire que ce dernier était également fortifié,62 d’une part, et en considération du retard des Arabes en matière de fortification à Ifrīqiya d’autre part- que l’on songe dit-il que Kairouan ne reçut pas d’enceinte avant 146 H ;- tout cela l’a conduit à penser que le palais ne fut pas fortifié avant l’époque abbasside.63

Le II/VIIIe siècle est également marqué par un très grand penchant vers la fortification. Cette tendance s’observe dans la fondation de la ville de Bagdad par le calife abbasside al-Mansūr en 145/762, et l’édification des remparts de Kūfa en 155/722, sur l’initiative d’al-Mansūr lui-même.64

3.3. À propos des échoppes

Il est utile de remarquer, que si l’on s’attache à revoir les informations que fournit la fouille dans le terrain dit de Dār al-Imāra sur les échoppes, on voit qu’elles sont d’une grande importance même si elles ne permettent pas de définir un cadre général pouvant circonscrire l’existence de Dār al-Imāra. Les échoppes sont attestées aussi très tôt à Kūfa, et à ʿAnjar.

Exploitant les données archéologiques livrées par la fouille de Dār al-Imāra, Soundes Gragueb et Taha Khechine ont pu démontrer la présence de trois échoppes placées l’une à côté de l’autre parallèlement au mur sud-est de la Grande Mosquée (fig. 21). Selon leurs études ces échoppes ont un plan rectangulaire et se sont élevées avec des murs en adobles. Elles sont séparées par un espace rectangulaire de 1 m de largeur et de 2 m de longueur et qui est interprété comme ruelle donnant sur la voie prolongeant la façade sud-est de la Grande Mosquée. D’après Soundes Gragueb et Taha Khechine ces échoppes, pavées en briques cuites dateraient du IXe siècle puisque le niveau de leurs sols se trouve en contre-haut de 1.18m du niveau d’occupation de Yazīid ibn Ḥātim (157/744) attesté dans les sondages archéologiques effectués dans la Grande Mosquée.65

En outre, Soundes Gragueb et Taha Khechine rapportent que les échoppes de cette zone sont mentionnées dans les Nawāzil et les fatāwā évoquant leur présence dans la zone commerciale à l’Est de la Grande Mosquée au IXe siècle au temps de l’Imām Sahnūn.66

a
b
Fig. 21. Plan et photo d’ensemble des structures dégagées lors de la fouille de Dār al-Imāra (échoppes, silos et ruelle).
D’après Khechine T. & Gragueb Chatti S. ; 2017 a, fig. 2, p. 123.

Or la présence de sūk ou des aswāk à l’est de la Grande Mosquée est attestée très tôt à Kūfa et ce, en s’appuyant sur une déduction de Hichem Djaït qui a pu conclure que le sūk ou les aswāk de Kūfa devaient se situer au nord et à l’est de la mosquée, enveloppant sa façade nord, mordant sur sa façade et non loin du coint nord-est du palais. De plus il a pu tout aussi bien penser, comme le fait Djanābi, qu’ils étaient localisés à l’est de la mosquée et arrivaient jusqu’à la façade nord du palais, en se fondant sur une habitude de Saʿd, qui a été décrite par Ṭabarī évocant en effet de son impatience, assis dans le palais, face aux bruits du marché qui le gênaient au cours de sa conversation.67

"وغلّق باب القصر، وكانت الأسواق تكون في موضعه بين يديه، فكانت غوغاؤهم تمنع سعدا الحديث".

De plus parmi les indications qui attestent leur présence dans l’espace commercial, à l’est de la Grande Mosquée et au nord-est du palais, il y a lieu de citer celle rapportée par al Yaʿqubi, qui affirme que: “le sūk a été placé à partir du palais et de la mosquée jusqu’à la maison d’al- Wālid”.68 Sachant qu’ au début ces aswāk étaient couverts de nattes.

Cette position fut maintenue même après la construction des aswāk sur des bases solides et esthétiques à l’époque de Khālid al-Qasrī. Ainsi à la qibla (sud) de la Grande Mosquée nous avons les warrāqīn (libraires), même s’il doit s’agir comme disait Hichem Djaït d’un métier tardif et ils ne sont pas mentionnés pour l’époque omeyyade.69

Il est intéressant de noter que comme à Kairouan comme à Kūfa nous trouvons des échoppes décrites comme non-loin du qaṣr, et disposées parallèlement au mur de la qibla. Donc ce n’est pas un apport inconnu dans l’organisation des villes camps, et il est évident que pour des raisons de sécurité qu’Ibrāhīm ibn al-Aghlab décida de quitter Dār al-Imāra, et de s’installer dans un nouveau palais “al-qaṣr al-Kadīm”.

3.4. Sur la démolition de Dār al-Imāra par Ibrāhīm ibn al-Aghleb

Il est très probable qu’Ibrāhīm ibn al-Aghleb ait démoli Dār al- Imāra, après avoir été installé à al-ʿAbbāsiyya en 184, laissant la ville sans résidence officielle, jusqu’à ce que Ziādat Allah ordonne la reconstruction de la Grande Mosquée en 221/836,70 et peut-être de Dār al-Imāra aussi, car comme nous l’avons signalé plus haut le palais de Dār al-Imāra continuait à servir comme lieu d’audience publique tout au long de l’époque aghlabide et même fatimide.

Hisoriquement parlant la destruction des résidences des gouverneurs n’est pas une chose surprenante, puisque ‘Abd al-Malik après la révolte de Muṣʿab avait ordonné de tout détruire à qaṣr al-Imara de Kūfa pour tout reconstuire. Il convient de noter aussi que le nouveau qaṣr fut reconstruit sur les mêmes fondations. De même al-Ḥajjāj b. Yūsuf après avoir été nommé souverain sur l’Irak fut démoli Dār al- Imāra de Baṣra, laissant la ville sans résidence officielle, jusqu’a ce que Sulaymān b. ʿAbd al-Malik ordonne sa restauration.71 La destruction de Dār al- Imāra par Ibrāhīm ibn al-Aghleb prèsente donc une analogie frappante avec celles attestées historiquement et archélogiquement à Kūfa et à Baṣra.

Il ne sera pas surprenant, aussi, de suggérer une reconstruction de Dār al-Imāra à cette période, inspirée de Qaṣr al-Imara de Kūfa, étant donné que la Grande Mosquée de Kairouan, avec ses 17 nefs parallèles à la qibla et ses galeries double à l’est et l’ouest fait immédiatement penser à la Mosquée de Kūfa (fig. 22 et 23). On ne peut expliquer cela qu’en admettant une influence orientale, bien qu’autant de différences existent, ce qui rend l’aspect de chaque monument différent de l’autre.

Ainsi, comme l’a pu conclure Faouzi Mahfoudh dans son étude magistrale sur le “Simāt de Kairiuan”, l’évolution qu’a connue Kairouan s’inscrit dans un mouvement qui toucha plus d’une ville arabo-musulmane et dont les débuts doivent être recherchés dans les villes d’Orient: une analogie entre la capitale ifriqiyenne et les villes d’Orient est évidente.72

Enfin, il est clair, tel que le montre le contexte historique et archéologique que Dār al-Imāra a été transformée au bas Moyen Âge en silos à grains, et que les constructeurs postérieurs ont détruit tout ce qui subsistait d’elle.

Fig. 22. Plan de la Mosquée de Kūfa.
(D’après Creswell, 1979, I, I, fig. 16, p.47).
Fig. 23. Plan de la Grande Mosquée de kairouan.
Mahfoudh F., 2003 b, fig. 31.p. 134.

Conclusion

En guise de conclusion, on peut dire que Dār al-Imāra de Kairouan aurait dû se situer derrière le mur de qibla de la Grande Mosquée. Nous devons aussi supposer que la première Dār al- Imāra de Kairouan était un bâtiment aussi primitif, et que son niveau de sol était surélevé avec celui de la mosquée, selon les données de la fouille archéologique menée par Ibrahim Chabouh dans le site de Dār al-Imāra, en face du mihrāb, au moins quatre fois, par rapport au niveau actuel du sol, et que la profondeur du sol primitif de la mosqueé était à peu près de 6 m.73 Sachant que la mosquée de Bechr ibn Safwān se trouve à 5 m de profondeur du niveau actuel de la salle de prière, alors que la mosquée de Yazīd ibn Hātim se trouve à une profondeur de 3 m, et que le niveau actuel de la mosquée date de 221/ 836.74

Ensuite, étant donné que le témoignage archéologique fait défaut pour connaitre la forme architecturale de Dār al-Imāra de Kairouan, puisque aucune trace du palais n’a été retrouvée, uniquement quelques vestiges des échoppes et des silos, il parait donc utile de signaler que l’origine du plan de Dār al-Imāra est à rechercher dans les palais urbains d’Orient, en Irak et à Bilād Schām. En fait, quatre “copies” de Dār al- Imāra existent, grâce auxquelles on pourrait avoir une idée (Kūfa ‘Anjar, Qaṣr al- Ḥayr al-Sharqī et ‘Ammān). Bien que cette interprétation soit évidente, elle reste difficile à prouver définitivement, mais de solides arguments existent.

Quelles que soient donc les origines du plan de Dār al-Imāra de Kairouan on peut penser que les composants ne sont pas très différents de ceux des palais urbains orientaux. Cette imitation est donc nécessaire afin de comprendre l’évolution de l’architecture palatiale à Ifrīqiya, surtout. Enfin, même si notre connaissance de la période des gouverneurs reste en quelque mesure fragmentaire par rapport à la période aghlabide et à celle des califes fatimides, il est important de signaler que les palais de Raqqāda, de Mahdia et de Ṣabra al-Manṣūriyya étaient conjointement la descendance de Dār al-Imāra de Kairouan, et que son plan a servi comme modèle sous les États islamiques postérieurs.

Notes

1 Eddé A.M. & Nef A., 2015, p. 56.
2 Barrucand M., 1996, p. 456.
3 Martinez-Gros G., 2003, p. 36.
4 Martinez-Gros G., 2003, p. 39; Barrucand M., 1996, p. 456.
5 Raqīq al-Qayrawānī, 2005, p.166.
6 Mālikī, 1994, T. I, p. 226-237; Raqīq al-Qayrawānī, 2005, p.166-195- 202- 209; Ibn Nājī, 1968, T. I, p. 302- 303.
7 Mālikī, 1994, T. I, p.12- 97; Raqīq al-Qayrawānī, 2005, p. 195- 221; Ibn Nājī, 1968, T. I, p. 301.
8 Khechine T. & Gragueb Chatti S., 2017a, p. 119.
9 Djaït H., 1986, p. 91- 95 ; Denoix S., 2000, p. 915 ; Hassen M., 2004, p. 74- 75.
10 Raqīq al-Qayrawānī, 2005, p.244 ; Ibn ‘Idhārī, 1983, T. I, p. 90.
11 Mālikī, 1994, T. I, p. 225- 226; Ibn Nājī, 1968, T. I, p. 301- 303; Khechine T. & Gragueb Chatti S., 2017 a, p. 119- 120.
12 À-propos d’al- ʿAbbāssiya voir, Mahfoudh F., 2003 a, p. 211- 226, Mahfoudh F., 2005, p. 4095- 4102 ; Bahri F. & Taamallah M., 2015, p. 287- 302.
13 Bakrī, 1992, T. II, p. 680.
14 Nuʿmān, Qāḍī, 1986, p. 238.
15 Ibn ʿIdhārī, 1983, T. I, p. 148; Nuwayrī, 1981, T. XXIV, p. 81; Khechine T. & Gragueb Chatti S., 2017 a, p. 120.
16 Dāʿī, Idrīs,1985, p. 278.
17 Bakrī, 1992, T. II, p. 676; Ibn ʿIdhārī, 1983, T. I, p. 219; Mahfoudh F., 2003 b, p. 67- 71.
18 Ibn Nājī, 1968, T. I, p. 166- 301 ; Mahfoudh F., 2003 b, p. 82; Khechine T & Gragueb Chatti S., 2017 a, p. 121.
19 Raqīq al-Qayrawānī, 2005, p.202- 209.
20 Merlin A., 1958, p. 58- 59.
21 Khechine T. & Gragueb Chatti S., 2017 a, p. 117, p. 122- 135 ; Gragueb Chatti S & Khechine T., 2017 b, p. 205.
22 Khechine T. & Gragueb Chatti S., 2017 a, p. 135- 161. La fouille a mis en évidence de la céramique allant du IXe siècle jusqu’à l’époque contemporaine.
23 Khechine T. & Gragueb Chatti S., 2017 a, p. 133; Gragueb Chatti S & Khechine T., 2017 b, p. 206- 207.
24 Creswell K. A. C., 1979, I, 1, p. 48.
25 Djaït H., 1986, p. 214.
26 Muṣtafā M A., 1954, p. 76; Muṣtafā M A., 1956, p. 4- 30- 31; Muṣtafā M A., 1963, p. 37.
27 Djaït H., 1986, p. 214.
28 Santi A., 2018, p. 69- 103.
29 Santi A., 2018, p. 91, 93- 95.
30 Djaït H., 1986, p. 100.
31 Muṣtafā M A., 1956, p. 27 ; Muṣtafā M A., 1963, p. 60 ; Djaït H., 1986, p. 100 ; Creswell K. A. C. & James W. A., 1989, p. 10.
32 Muṣtafā M A., 1956, p. 5- 12; Muṣtafā M A., 1963, p. 38 – 45; Djaït H., 1986, p. 214; Creswell K. A. C. & James W. A., 1989, p. 11- 13, 144- 146; Santi A., 2018, p. 93- 94.
33 Djaït H., 1986, p. 215.
34 Grabar O., 1987, p. 235.
35 Djaït H., 1986, p. 215.
36 Djaït H., 1986, p. 215; Grabar O., 1987, p. 236.
37 Djaït H., 1986, p. 215.
38 Santi A., 2018, p. 91, 94- 95.
39 Northedge A., 2017, I, p.159- 161; Northedge A., 2000, p. 65-66; Northedge A., 1994, II, p. 233.
40 Chehab H., 1975, p. 22- 23; Finster B., 2008, p. 230.
41 Finster B., 2008, p. 231.
42 Northedge A., 2017, I, p.159; Northedge A., 2000, p. 65; Genequand D., 2012, p. 95.
Il a employé le mot « nouvelle », car ces sites présentent une forme urbaine, et parfois les textes les appellent madīna, et il ne s’agit pas des villes traditionnelles. Voir Northedge A. 2000, p. 64.
43 Northedge A., 1994, II, p. 235; Genequand D. 2012, p. 97.
44 Genequand D., 2012, p. 97; Genequand D., 2008, p. 262.
45 Genequand D., 2012, p. 98- 100; Genequand D., 2008, p. 262- 263.
46 Grabar O., 1970, p. 47; Genequand D., 2008, p. 264; Genequand D., 2012, p. 104.
47 Genequand D., 2012, p. 102; Genequand D., 2008, p. 263.
48 Northedge A., 1994, II, p. 236.
49 Genequand D., 2012, p. 104- 105; Genequand D., 2008, p. 264.
50 Northedge A., 2000, p. 65.
51 Northedge A., 1994, II, p. 237- 238; Northedge A., 2000, p. 39.
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Auteur

Asma Amara

Enseignante-chercheuse à l’Université de Sousse, Faculté des Lettres et des Sciences Humaines de Sousse (FLSHS) ; LR : Monde Arabo-Islamique Médiéval (FSHST), L.M.A.I.M., LR99ES01. Chercheuse associée au Laboratoire d’Archéologie Médiévale et Moderne en Méditerranée (LA3M, UMR 7298, CNRS/AMU).

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