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Numéro 04

La place Pichon à Sousse
La construction de l’identité de la place publique au début du Protectorat
Afef Ghannouchi Bouachour
La cité minière de Djerissa 1887-2017
Genèse, évolution et devenir à travers l'urbanisme et l'architecture
Leila Ammar & Hayat Badrani
L'Alhambra de Tunis; une salle de cinéma de faubourg
Iness Ouertani
04 | 2017
Bou-Arada
Un village colonial entre l’aménagement d’un territoire rural et les mutations urbaines
Khadija Derbel
Table des matieres
Résumé
L’objectif de notre présent article est d’aborder la question de l’urbanisation, dans les régions rurales de Tunisie. Dans ce cadre, nous présenterons, à travers le modèle du village de Bou-Arada, les processus qui ont prévalu à la formation du village, durant la colonisation, et leur impact, sur l’aménagement de son territoire et l’évolution de son tissu urbain.
Nous nous appuyons, pour cette étude sur deux lectures: celle d’un plan de lotissement, qui marque la naissance du village Bou-Arada, et celle de l’aménagement du territoire, qui se manifeste dans les tracés urbains, auquel se rattache le processus de croissance du bâti, assurant la cohérence de l’ensemble.
Mots clés
Bou-Arada, village colonial, urbanisme, rural.
Pour citer cet article
Derbel Khadija, « Bou-Arada. Un village colonial entre l’aménagement d’un territoire rural et les mutations urbaines », Al-Sabîl : Revue d’Histoire, d’Archéologie et d’Architecture
Maghrébines [En ligne], n°04, Année 2017.
URL : https://al-sabil.tn/?p=16246
Texte integral
Le territoire tunisien, à l’instar de tout territoire colonisé, en Afrique du Nord, a connu une forte structuration, dès le lendemain de la colonisation. Durant la première moitié du XXe siècle s’est ouverte, en Tunisie, une nouvelle période historique et urbanistique, caractérisée par une colonisation agricole et une croissance urbaine continue, qui engage le milieu rural tunisien, sur la voie d’une structuration urbaine totale et nouvelle.
Nombreux sont les villages de Tunisie, qui résultent d’une création coloniale : Bou-Arada est un village, parmi tant d’autres, qui a été individualisé par la colonisation agricole, en Tunisie, qui méritait d’être étudié avec attention. Ce centre colonial, avec son tissu urbain, ses aménagements, ses bâtiments, ses rues et autres infrastructures, encore visibles aujourd’hui, constitue les traces matérielles et l’héritage de la colonisation française, sur le territoire rural tunisien.
L’étude de la naissance d’une telle réalisation présente plusieurs intérêts, notamment par le fait que le village de Bou-Arada appartient à la première génération des villages coloniaux1, créé ex-nihilo, au lendemain du protectorat, en vue de pérenniser l’Occupation française et d’introduire une population européenne, dans le milieu rural tunisien2.
1. Présentation du village
Bou-Arada est actuellement, une petite ville du Nord–Ouest de la Tunisie, située à 37 kilomètres au Nord-Est de Siliana, au Sud-Ouest de la plaine d’El Fahs, et à 89 kilomètres au Sud-Ouest de Tunis. Elle est rattachée au gouvernorat de Siliana et constitue une municipalité,qui compte selon le recensement de 2014, environ 13.162 habitants. Elle est le chef lieude la délégation, portant son nom.
Au temps du protectorat français, Bou-Arada était un gros centre agricole, situé à mi chemin sur la ligne de chemin de fer, reliant Tunis au Kef, en passant par le pont de Fahs. Il a été rattaché au Caidat de Mejez el Bab et fut administré par le contrôle civil de Béja. Ce centre fut fondé en 1907, dans la propriété de madame Taine3, à partir d’un lotissement réalisé, par la direction de l’agriculture, du commerce et de la colonisation.
1.1. Les prémices d’un village colonial à Bou-Arada
Les terres au milieu desquelles fut implanté le village de Bou-Arada constituaient, à l’origine, un Henchir, nommé Bou-arada. Ce domaine a été confisqué, par le bey Mourad II, dans la deuxième moitié du 17ème siècle, à des tribus rebelles : les Riahs, et fut constitué en habous public, au profit du pont de Medjez El Bab, dédié aux frais de sa construction et de sa restauration4.
D’après les actes des habous, la superficie de Henchir était d’environ 9000 hectares. Il est limité du côté Nord, par l’oued Bou-Arada et l’oued Bou Garnou, du côté Est, par l’oued Touil, du côté Ouest, par les contreforts de Jbal Rihane et du coté Sud, par les sommets de Jbal Arada et Jbal Mounchar5.
Après avoir annulé les Wakfs, au milieu du 19ème siècle, le bey Mohammed Sadok fit don d’une partie du Henchir, à Mustapha Ben Ismail6, qui revendit le terrain, successivement à deux sociétés financières françaises7. L’autre partie du Henchir Bou-Arada était réservée au parcage des chameaux du bey et 500 hectares, environ, étaient exploités, par de hauts fonctionnaires Tunisiens8.
En 1883, le commandant Napoléon Ney acheta le domaine de Bou Arada et désigna un régisseur, pour louer la propriété aux Tunisiens, mais la mise en valeur et le défrichement furent peu importants. Vers 1896, le domaine de Bou-Arada fut mis en vente, au prix de 150.000 francs9.
En 1897, la propriété fut vendue à Madame Taine. De grands travaux furent exécutés,sous sa direction:le défrichement de 300 hectares, par labours, la plantation d’oliviers et de vigne, des travaux d’adduction d’eau et l’élevage de chevaux, de moutons et de porcs,à grande échelle10. Elle entama, aussi, des constructions importantes, contenant une ferme, des hangars et des magasins, où elle élevait des chevaux et des moutons.
Après une période de dix ans, Madame Emile Taine vendit, en 1907, le domaine de Bou-Arada, qui comptait 4732 hectares, à l’Etat, au prix d’un million de francs11. L’acquisition du domaine, par la direction de l’agriculture, du commerce et de la colonisation a permis la naissance du village de Bou-Arada, ainsi que son développement, tout au long des années de colonisation. Il ne comptait, au début, que quelques indigènes dispersés, essentiellement des cultivateurs et quelques ouvriers.
D’après les documents d’archives, le projet du village de Bou-Arada était constitué d’une succession de lotissements, présentés par la direction de l’agriculture, du commerce et de la colonisation, au service de la colonisation, qui les approuva, sur avis du comité consultatif de colonisation, en date de 7 juin 1907. En effet, les plans de lotissements demeurent l’outil principal utilisé par les autorités françaises pour occuper de nouveaux territoires. Le premier lotissement définissait le domaine et fut alloti en 24 lots de grande culture. Ces lots, non réservés, de la propriété domaniale, furent mis en vente, aux colons français, tandis qu’un lot fut conservé, pour la création du village de Bou-Arada.
Les 24 lots ruraux, allant de 70 à 300 hectares furent attribués en pourtour de l’embryon du village, formant une ceinture autour du village. Le lot choisi, pour l’emplacement du village, fit l’objet d’un deuxième projet de lotissement, et c’est ainsi, que les autorités françaises tracèrent officiellement, les grandes lignes urbaines structurant le village de Bou-Arada.
Malheureusement, les documents d’archives ne conservent qu’une seule feuille, du premier projet de lotissement, illustrée ci-dessus, dans laquelle sont indiqués les lots de 12 à 24 et le lot, conservé pour le village(Fig.1).

1.2. La fondation du village colonial
D’une manière générale, l’aménagement d’un territoire consiste à planifier et coordonner l’utilisation du sol, l’organisation du bâti, ainsi que la répartition des équipements et des activités dans l’espace géographique.
L’administration française s’inspira de cette idée générale de l’urbanisation, pour la création du village de Bou-Arada.
La lecture du projet de lotissement du village, approuvé en 190713, dont le schéma est présenté, ci-dessus,nous montre un découpage du sol, en lots urbains et lots suburbains, ainsi que les bâtiments, déjà construits.
- Le lotissement suburbain : constitué de 22 lots de petite culture, d’une surface variant de 3 à 10 hectares. Ces terres, qui devaient être semées, en céréales, ou plantées de vignes et vergers,furent mises en vente, à des prix variant, entre 1200 à 3700 francs14. Ces lots suburbains furent attribués, en pourtour des lots urbains. Ils se touchaient, les uns les autres, et formaient une ceinture, autour du village. Dans ce lotissement suburbain, trois lots furent réservés pour les besoins éventuels de l’administration15.
- Le lotissement urbain : le village de Bou-Arada, comprenant 55 lots pour habitations, ou industrie (terrain à bâtir), destinés à recevoir les nombreuses familles, venues de la métropole. Ces terrains constructibles étaient d’une surface, variant entre 573m² et 6400m². Ils furent mis en vente, au prix uniforme de 0,10 francs, le mètre carré16.
En réalisant le plan de lotissement, l’administration coloniale française y organisa l’installation des habitants, en distribuant des lots à bâtir, tout en préservant les emprises nécessaires, pour un certain nombre de bâtiments publics, en particulier, pour une école, un dispensaire, ainsi que des emplacements, pour le marché. Le plan cadastre de 1907, montre,également, la gare déjà construite, l’église, le borj et quelques édifices existants, où se sont installées les premières populations européennes (Fig.2).

En analysant ce projet de lotissement, on peut dire que l’autorité a essayé de construire un territoire, à la mesure des attentes de la population française, selon le modèle urbain européen qui se caractérise par la mixité de son occupation de sols (urbains et suburbains), l’orthogonalité urbaine de son découpage et par la diversité des infrastructures et des activités.
Le développement du village s’est renforcé, en 1908. En effet, tous les lots furent vendus, à des colons français, qui prirent place dans le village et construisirent les premières maisons. Peu à peu, ils firent de cette région, une des parties, les plus fécondes du sol tunisien, pour la culture des céréales. Le développement du village fut accentué, par les projets d’investissement et d’infrastructures, concédés au profit des colons français, qui ont essayé de les adapté à leurs besoins et à leur façon de vivre.
Le projet de lotissement n’est, réellement, mis en œuvre, qu’au cours de l’année 1909, avec le traçage des artères, la division des parcelles, en îlots destinées à la construction d’habitations individuelles et la mise en vente publique. Avec la vente des premiers lots acquis par des particuliers et, surtout, par les colons français, le centre de Bou-Arada commence à se développer. Une population agricole prend place et construit les premières maisons18, d’abord, près du centre du village, puis ensuite, tout au long de la route, menant sur le chemin de Tunis.
En 1911, plusieurs opérations de ventes ont été enregistrées ; les lots suburbains vendus sont au nombre de 19 lots, et les lots vendus dans le village, au nombre de 21. Un certain nombre de constructions furent construites, qui structura le village et lui donna une impulsion nouvelle. A partir de cette date, on peut parler d’une production architecturale, à Bou-Arada, avec des constructions riches et variées, qui schématisent l’aspect architectural du village, essentiellement dans les équipements publics.
2. Organisation spatiale du village : La structure urbaine du village de Bou-Arada
Le plan de lotissement de 1907, révèle une unité urbaine cohérente, bien pensée, réfléchie et articulée. En effet, le village de Bou-Arada a pris naissance, sous forme d’un quadrillage, fortement structuré, par des mailles en damier, organisé par un réseau des voies qui se coupent (Fig.3). Ces voies présentent un élément de liaison, à l’échelle du village, elles desservent le cadre bâti et les équipements, et commandent, principalement, l’organisation du village. Ce plan en damier marque profondément le paysage rural européen, le trait essentiel de l’urbanisme colonial et la caractéristique principale des tracés des villages ex-nihilo. Il est à noter, que de nombreux villages tunisiens, à plan en damier ont été fondés, à des dates très variables, s’échelonnant à partir des premières années de la colonisation.

L’organisation du réseau viaire organise rationnellement l’espace habité et les services publics. Ainsi, l’observation permet de hiérarchiser les chaussées et de repérer les circuits récurrents, au sein du village, qui forment l’armature principale du village et définissent les tracés et formes urbaines. En effet, les larges routes (15 m de largeur) permettent de réaliser une visite, de l’ensemble de village, et de relier la place publique, avec les principaux équipements, comme par exemple, la voie de grande circulation qui unit la place publique, à la gare et accueille un trafic commercial important.
Cette structure primaire est enrichie, par un maillage de voirie secondaire, qui dessert le reste du village(Fig.4). La structure en grille et la trame du viaire engendrent des parcelles, qui s’implantent majoritairement, perpendiculairement, aux voies de circulations.

La forme et la dimension des parcelles à bâtir découlent directement, du maillage du tissu, ce qui a donné naissance, à des parcelles variées dans leur géométrie et leurs dimensions, ce qui contribue à différencier et varier le paysage urbain, dans le village. Les îlots de petite taille cernent la place, avec un mode d’occupation spécifique : un alignement du bâti à la voirie. Plus on s’écarte du centre du village, et plus les parcelles sont grandes, avec des bâtiments de plus en plus éloignés, de la rue (Fig.5).

Outre les voiries et les ilots, les autorités comprennent la nécessité de doter le village de Bou Arada d’une place publique, qui présente un centre civique et culturel, à l’instar des villages européens. Pourbien penser le tissu urbain du village, des larges rues et des boulevards débouchent, sur cette place et forment autour d’elle, une demi-étoile,convergence de plusieurs routes :
- Le boulevard Maréchal Pétain (MC63), vers Goubellat.
- Le boulevard El Fahs (MC61), vers ksar Bou Kris.
- La rue de la gare qui relie la place publique à la gare.
- La rue de cimetière qui s’étend de la place publique, vers le cimetière….etc.
La place est dessinée, en forme de rectangle et une statue,« monument aux morts », est positionnée, au centre de la place, en 1934. En effet, pour honorer le mémoire des jeunes français, mobilisés pour la guerre de 1914, l’association des anciens combattants a fait élever un monument, qui fut inauguré, en présence des autorités officielles du protectorat19.
Cette place carrefour était un point de convergence, de rassemblement et de rencontre et un lieu de concentration et d’animation du village, en période de récolte.
2.1. L’aménagement du territoire
Le plan de lotissement du village ne tarda pas à donner lieu, à bon nombre de conceptions de plans et des projets, pour le village, qui répondaient au nouveau genre de vie, que les autorités françaises devaient donner, aux peuplades regroupées.
Selon le plan de lotissement de 1907, la détermination des emplacements, affectés aux divers bâtiments publics, n’a pas été la partie du programme d’urbanisation, la moins délicate. Il est incontestable, en effet, que les services publics ou administratifs ont une tendance, à placer leurs bâtiments, proches de la place publique.
Entre 1909 et 1956, de nombreux équipements publics ont été construits dans le centre urbain, dont la plupart sont encore, en fonction, de nos jours : mairie, école, internat, poste, dispensaire, gendarmerie, dépôts, place…etc. De même, plusieurs autres équipements, à caractère économique et commercial, ont été construits :des boulangeries, des dépôts de céréales, des restaurants, des cafés et un fondouk.
Au fil des années, les services publics s’améliorant, les terrains réservés, au service public, se multiplièrent dans le centre du village.
Les normes d’urbanisme (bitumage des voies principales, ouverture de voies de desserte, réseaux d’eau potable et d’électricité, etc.) y sont relativement, bien exécutées.
Notons ici, que seulement, quelques équipements existaient, avant le lotissement de 1907 : le Borj, la gare, avec ses ateliers de réparations, et une maison, pour le chef de gare. Le service de poste était rattaché à la gare, et ce n’est qu’en 1924, que le bureau de poste fut aménagé, dans de nouveaux locaux20.
Ces cartes postales, illustrées ci-dessous, montrent les édifices coloniaux, du village de Bou-Arada : on peut remarquer, que leur spécificité architecturale alterne, entre celle de la métropole, et celle du pays. L’internat et la poste présentent le style arabisant. (Fig.6).

Ces bâtisses, qui témoignent du passé, ont subi, au cours du temps, de nombreuses modifications permettant de répondre aux nouvelles attentes. Certains bâtiments ont, notamment, connu des mutations fonctionnelles. Ils ne sont, malheureusement pas, convenablement entretenus, et tombent, progressivement, en ruine.
Une description présente l’organisation spatiale, les équipements et la vie du village : « Notre village se caractérise, à l’époque où nous vivons par une grande allée de beaux eucalyptus. A l’ombre de ces arbres, l’église, l’internat, la salle des fêtes, le borj, le boulodrome, la maison du docteur agréablement groupés étaient un quartier vivant et aéré.
Les bâtiments administratifs étaient plus dispersés ; l’hôpital et la gendarmerie au Sud : les travaux publics et les contributions plus au centre, enfin la poste, construite dans le style local, était exil prés du marché, prés de la gare. A l’autre bout, se trouvait le silo, bâtiment imposant, d’une capacité de 40.000 quintaux, était le lieu d’une grande animation en période de moisson particulièrement ; il drainait la production céréalière des centres environnants. De nombreux artisans, maçons, menuisiers, électriciens, plombiers, mécaniciens, coiffeurs ainsi que de nombreux commerçants mettaient leur compétence au service de la population…..de nombreux commerçants offraient leurs services. Il y avait de plus trois cafés restaurants, lieux de rencontre, d’échanges. Ils accueillaient de plus les gens de passage. Cette variété de qualification si complémentaire a aidé au fil des années, à créer un centre vivant, où chacun avait sa fonction, sa place, contribuant à la bonne marche de cette petite agglomération appelée « aradis » à l’époque romaine21.
2.2. Bou-Arada : Un paysage architectural modeste
Au début, les colons s’installent sur un territoire vierge, dont le paysage d’ensemble du domaine est composé, essentiellement, d’un découpage des terres agricoles, en cultures et en pâturages. Les caractéristiques paysagères de ce territoire sont constituées, par une faible occupation résidentielle, des constructions agricoles typiques, qui ponctuent le paysage (ferme, entrepôt et silo). Ce paysage extensivement rural alterne avec le village et ses constructions, dispersées sur le territoire.
Le paysage qui nous intéresse, est celui du village. Comme la plupart des villages coloniaux, Bou-Arada devient un terrain d’expérimentation, de méthodes de planification (tracé viaires, lotissement, zonage…) et de constructions, élaborés dans tout le territoire tunisien.
Les bâtisses de Bou-Arada ne présentent pas de réalisations grandioses, mais plutôt, des constructions coloniales, extrêmement simples, à l’aspect classique, à échelle variée et à dominante de bâtiments, à toiture inclinées, qui forment une entité urbaine, cohérente et harmonieuse. Les constructions sont généralement basses, déployées au rez-de-chaussée ou avec un rez-de-chaussée, et un étage dont les toitures sont en tuiles. Leur caractère architectural est le reflet identique de celui de la métropole.
Comme on l’a vu, la diversité des activités (agriculture, habitation, service, commerce) se traduit par une grande variété formelle du cadre bâti, qui regroupe des bâtiments agricoles, des bâtiments administratifs, des bâtiments à usage de commerce et des infrastructures socioculturelles, ainsi qu’une grande variété de paysages, d’ambiance et de perception (placette et jardin).(Fig.7).
Cette diversité formelle est distinctive pour l’habitation. Elle témoigne de la mixité sociale et fonctionnelle, généralisée au sein du village. Au centre du village se côtoient des habitations, de morphologie, d’échelle et d’époque diverses.

3. L’évolution urbaine et la création d’une commune à Bou-Arada
Jusqu’à l’année 1940, le village de Bou-Arada n’a pas dépassé ses limites, datant de l’époque de sa fondation, lors du premier lotissement de 1907. Il est resté des années, composé par les mêmes quartiers et il a, de plus, gardé le titre du village colonial, bien qu’il ait prospéré rapidement, comme tous les villages du Nord, à cette époque, grâce à une activité agricole florissante.
Tout au long de ces années, le village s’est développé, sur sa propre emprise et le caractère villageois de Bou-Aradaa, considérablement, évolué et s’est rapproché, à une échelle réduite, de la configuration des villes, avec une centralité, accueillant des équipements administratifs, économiques et culturels.
Entre ces deux dates, 1907 et 1940, la population bouaradienne a évolué ; sa démographie qui était principalement composée de cultivateurs, de sous locataires ou de khammès, est passée de 250 habitants, à sa fondation, à 118 familles tunisiennes, d’environ 480 individus et 30 familles françaises (soit une centaine de français), en 192422. Après la deuxième guerre mondiale, le village fut reconstruit et agrandi, il reçut de nouveaux colons européens. Au recensement de 1946, Bou-Arada avait une population de 1820 habitants, dont une population d’origine européenne, passé d’une centaine de personnes, en 1925, à 253 européens23.
Ce grand flux d’immigration, de population, ainsi que la densification progressive des parcelles bâtis poussa les autorités coloniales, à déclarer Bou-Arada, un centre communal, par le décret beylical du 22 Janvier 1941, en définissant les nouvelles limites du village. A partir de cette date, le village de Bou-Arada est passé, du statut d’un village, à celui d’une petite ville, et a connu, alors, une remarquable extension, en débordant de ses limites initiales.
Après la deuxième guerre mondiale, le village s’est développé, à la fois, sur son emprise et sur les lots de petites cultures,dans le prolongement des axes de circulation du noyau initial. Les nouvelles extensions urbaines se présentent comme des greffes, juxtaposées au noyau initial et en continuité de la forme urbaine existante. (Fig.8).
Le village commença à se restructurer, par les travaux de modifications, d’extension et de reconstruction des bâtiments, et par de nouveaux lotissements privés, qui donnèrent lieu à de vastes chantiers de construction, organisés à la périphérie du noyau initial. Ces nouveaux lotissements furent dotés d’un certain nombre de nouveaux équipements administratifs et sociaux : édification de l’hôpital, en 1947 et 1948, construction d’une mairie,en 1951, et du stade d’Auguste Moulin, en 1951.
Le village a eu, avec l’indépendance, son allure finale,avec ses rues pavées, plantées et munies de trottoirs et avec une liste des équipements complète.A la gare, l’église, l’école… etc s’ajoutent la salle des fêtes, l’hôpital et le stade. De cette manière, les européens retrouvent les éléments de la vie sociale à laquelle ils se sont habitués.
Nous pouvons considérer cette évolution comme un modèle simplifié d’un village, qui s’est étalé le long de ces axes de circulation principaux.
Ces observations se référent à des représentations graphiques, simplifiées illustrées ci-dessus.

Comme en témoigne, aussi cette photo aérienne, qui illustre le noyau du village et les extensions ultérieures, réalisées après la deuxième guerre mondiale. (Fig.9).
