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Numéro 17

Le paysage, le peuplement et l’architecture de Magdaz et de la vallée de la Tassaout dans le contexte montagneux du Haut Atlas au Maroc
Miguel Reimão Costa
et Desidério Batista
Les madrasas de Tripoli d’Occident à l’époque médiévale
Aurélien Montel
La mosquée Gurgi à Tripoli
et son waqf. Un monument emblématique de la fin du règne des Qaramanlis
Ahmed saadaoui
et Ali Cheib Ben Sassi
Etude physicochimique de quelques échantillons de faïences émaillées datant de l’époque Hafside
Enyssa Mehrzi et Mohamed Maaouia
17 | 2024
Etude physicochimique de quelques échantillons de faïences émaillées datant de l’époque Hafside
Enyssa MEHRZI et Mohamed MAAOUIA
Table des matieres
Résumé
La présente étude concerne quatre échantillons de faïences émaillées provenant des ruines de Carthage et datés de l’époque des Hafsides. Ils nous ont été fournis selon les règles en usage, et après avoir obtenu l’accord préalable des responsables concernés. Notre but était de déterminer quels sont les caractéristiques spécifiques des faïences de cette époque. Les archéologues, qui disposent d’une grande quantité de pièces, s’intéressent habituellement aux formes, à l’usage des céramiques, aux motifs des décors, aux couleurs et aux propriétés physiques des tessons. Dans ce travail, nous nous sommes intéressés particulièrement à l’analyse chimique des biscuits et des émaux. Pour cela, nous avons séparé mécaniquement les tessons argileux des émaux colorés par grattage à l’aide d’une perceuse électrique équipée d’une mèche diamantée. Nous avons effectué ensuite les analyses chimiques de chacune des deux poudres obtenues selon les protocoles analytiques normalisés.
Les résultats montrent que les tessons qui présentent un fond blanc possèdent un email opacifié par l’oxyde d’étain. Les dessins bleus sont obtenus par un mélange d’oxyde de cobalt et d’oxyde de cuivre. Les motifs de couleur aubergine indiquent la présence d’oxyde de manganèse mêlé à l’oxyde de fer. Les résultats obtenus ainsi que les observations sur les couleurs et les motifs de décoration ont été comparés aux analyses déjà publiées par les études antérieures sur les faïences de l’époque aghlabide et fatimide.
Mots clés
La Céramique émaillée, l’Epoque Hafside, Site de Carthage, Pâte Argileuse, Oxydes.
Abstract
Four samples of archeologic ceramics belonging to the Hafside period (1230 to 1574 A.D) were taken from archeologic site of Carthage. All of the samples are made of red coloured clays on which there are white ground color and blue and eggplant drawings. Chemical analysis of the biscuits and the blue and eggplant colours were accomplished in a specialized laboratory according to the current standards. Results show the use of cobalt and copper oxides to make blue, and manganese and iron oxides to make brown. The white bottom contains stannic oxides. This work is ended by a discussion about the historical periods and the regions in which each of these oxides appeared.
Keywords
Glazed Ceramic, The Hafsid era, Site of Carthage, Clay paste, Oxides.
الملخّص
تتناول الدراسة أربعة نماذج من الفخار المطلي من الموقع الأثري بقرطاج والتي يرجع تاريخها إلى العصر الحفصي. أجرينا التحاليل الكيميائية بعد أن قمنا بفصل الفخار ميكانيكيًا عن الطلاء باستخدام الة كهربائية. ثم قمنا بإجراء التحاليل الكيميائية لكل جزء من الجزأين وفق طرق موحدة. أظهرت النتائج أن القطع المدروسة لها طلاء معتم بواسطة أكسيد القصدير. ويتم الحصول على اللون الأزرق بواسطة أكسيد الكوبالت مع حضور نسبة من أكسيد النحاس. ويتم الحصول على اللون الباذنجاني (البني) باستعمال أكسيد المنغنيز مخلوطا بنسب متفاوتة من أكسيد الحديد. وتمت مقارنة النتائج التي تم الحصول عليها وكذلك الملاحظات على الألوان والأنماط الزخرفية مع التحليلات التي سبق أن نشرتها دراسات سابقة حول الخزف في فترات سابقة بإفريقية.
الكلمات المفاتيح
الخزف المطلي، العهد الحفصي، موقع قرطاج، العجينة الطينية، الأكاسيد.
Pour citer cet article
MEHRZI Enyssa et MAAOUIA Mohamed, « Etude physicochimique de quelques échantillons de faïences émaillées datant de l’époque Hafside», Al-Sabîl : Revue d’Histoire, d’Archéologie et d’Architecture
Maghrébines [En ligne], n°17, Année 2024.
URL : https://al-sabil.tn/?p=9969
Texte integral
Plusieurs travaux de recherches archéologiques ont été consacrés à l’histoire des céramiques. Les chercheurs s’accordent à dire que les céramiques sont apparues dans les régions de Mésopotamie, d’Iran et de la Chine. Cette région possédait toutes les matières premières pour fabriquer des céramiques. Ces matières sont les argiles pour la mise en forme des poteries et des faïences, les métaux rares pour la coloration et les combustibles de chauffage pour la cuisson (bois de foret et les plaques de schiste). C’est ainsi, qu’en Mésopotamie on fabriquait de plaques d’argiles cuites pour rédiger des lettres ou écrire des listes de produits pour les réserves et les comptabilités. La chine qui avait des gisements de Kaolin a produit les céramiques à pâte blanche qui ont donné lieu par la suite à la fabrication des porcelaines.
Il y eut ensuite une extension lente vers le reste des pays du moyen orient, de l’Afrique du Nord, de l’Espagne et de l’Europe. Les techniques modernes des études archéologiques permettent de faire non seulement les analyses chimiques mais aussi de dater avec précision l’âge du site. En effet, si on trouve dans le même site des objets qui contiennent du carbone issu d’une matière vivante c’est-à-dire appartenant à un animal, végétal ou humain, dans ce cas l’analyse du carbone 14 qui est radioactif et du carbone 12 qui ne l’est pas donne un rapport carbone 14 sur carbone 12 qui diminue selon une courbe connue avec l’âge de l’échantillon. Ce qui permet de dater les échantillons étudiés.
Dans ce travail on s’intéresse à l’évolution de l’art de la céramique pendant l’ère Hafside qui s’étale de 1230-1574 à après J.-C.
Toute cette période s’est distinguée par des flux importants de populations qui sont venus d’abord de la péninsule arabique vers Ifriqiya. Ainsi que des migrations qui ont eu lieu dans les périodes ultérieures vers et depuis l’Andalousie.
Notre étude se base principalement sur les analyses chimiques des céramiques du site de Carthage, ces dernières regroupent aussi bien les tessons que les émaux.

Source : Enyssa Mehrzi
1. Matériel et techniques
1.1. Choix des échantillons
Les échantillons collectés sont représentés dans le tableau I. Ce sont tous des fragments de pièces d’utilisation courante : deux Bols, Chkala et un plat portant des creux qui peuvent contenir un œuf chacun. Ce dernier, selon François Véronique, servait pour cuire les œufs1, alors que beaucoup d’anciens archéologues lui attribuer le nom de Chandelier. Toutes ces pièces étudiées proviennent du stock de pièces cassées recueillies sur le site de Carthage qui n’ont pas pu être assemblées pour former des objets d’exposition au public. Suite à des démarches officielles formulées au nom de la faculté des sciences humaines et sociales de Tunis et du laboratoire d'Archéologie et d'Architecture Maghrébines (LAAM) de la Manouba, nous avons eu l’autorisation de l’institut national du patrimoine d’utiliser quatre échantillons pour des travaux scientifiques.





1.2. Préparation des échantillons
Analyses du biscuit et de l’émail
Nous avons analysé séparément le biscuit à base d’argile comportant uniquement la terre cuite sans toucher la couche blanche « l’engobe ».
Les émaux et les biscuits à base d’argile des échantillons sont grattés en utilisant une perceuse tournant à 1500 tours par minute et munie d’une mèche diamantée. Ils sont recueillis sous forme de poudre fine. On veille à ce que le tesson argileux ne contamine pas la poudre d’émail.
Le tesson argileux est broyé sans engobe blanche il sera analysé sous l’appellation : analyse du tesson argileux.
1.3. Méthodes d’analyses
Les échantillons ainsi obtenus sont confiés à « Green Lab » qui est un laboratoire spécialisé dans les analyses chimiques. Les échantillons sont analysés en respectant les normes tunisiennes et internationales cités dans les tableaux ci-dessous. Les échantillons sont dissous dans des mélanges d’acides adéquats pour l’analyse de chacun des oxydes recherchés, voir tableau II, les teneurs des différents oxydes sont déterminés à l’aide d’un spectromètre d’émission : ICP (OES) torche à plasma.
Le tableau suivant résume les conditions opératoires :

Tableau II : Normes utilisées et préparations des solutions de dosages pour l’analyse des éléments contenus dans les tessons argileux.

Tableau III : Normes et conditions expérimentales pour l’analyse des éléments contenus dans les émaux.
2. Résultats
2.1. Analyses des tessons (argiles cuites sans engobe et sans émaillage)

(Valeurs en % massique)



3. Discussion des résultats
3.1. Analyses des tessons argileux
Les résultats des analyses montrent que les faïences étudiées ont été fabriquées par des argiles communes du type illite et smectites. En effet le taux d’alumine dans les tessons cuits varie de 12 à 19% et celui de la silice à 45 à 50%, il correspond à des argiles de formules générales 4SiO2.Al2O3. (OH)2, où chaque feuillet contient deux couches de silice pour une seule couche d’alumine.
Les argiles utilisées sont des argiles brutes contenant des oxydes de fer et du calcaire. Les taux de fer sont élevés, on trouve des valeurs de l’ordre de 5% environ, ce qui donne des tessons colorés en rouge. Rappelons que les argiles du type Kaolin, proches de la formule 2SiO2.Al2O3.4H2O, ont des taux d’alumine de l’ordre de 28%% ou plus, donnent des tessons blancs, le kaolin n’était pas connu en Tunisie à l’époque Hafside, il n’était utilisé qu’en Chine.
Dans les résultats que nous avons trouvés, c’est le taux de CaO qui frappe le plus avec des pourcentages de 17 à 23% alors que CaO est quasiment absent dans les céramiques modernes. Les travaux de Louhichi et al donnent des résultats très proches de ce que nous avons trouvé. Ces chercheurs ont travaillé sur les céramiques de Dougga du XIe aux XIIIe sièclese siècles2 et sur un Godet test à glaçure du bas Moyen Age3. Les travaux d’Ayed Amara et al.4 concernent les céramiques de Rakkada et Sabra Mansouria datant des époques IXe et X. Les résultats qu’ils obtiennent donnent également des valeurs très proches des nôtres, en particulier le CaO.
On peut en conclure aussi que les céramiques, que nous avons analysées, utilisent des argiles qui proviennent soit des mêmes carrières, soit de carrières similaires à celles de Kairouan.
Rappelons que le CaO n’est pas un constituant des feuillets d’argiles quand elles sont pures. La présence de CaO veut dire que l’argile utilisée n’a pas été purifiée par des lavages successifs et des décantations.
3.2. Analyses des Emaux et de la Glaçures blanche opaque
3.2.1. Le bleu cobalt
D’après Yves Porter 5, la chronologie de l’utilisation du cobalt peut se résumer dans le tableau VIII.
