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Deux stèles funéraires kairouanaises au Toronto-Agha Khan muséum
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Le pisé : retour d’expérience à propos d’une technique de construction ancestrale
Imène Slama et Racha Ben Abdejelil
14 | 2022
La zawiya de Sidi Ibrâhîm al-Riyâhî de Tunis :
Une étude historique et archéologique.
Nour Kharraf
Table des matieres
Résumé
Cet article se propose de traiter, à partir d’une étude historique et archéologique, le sujet de la zawiya de Sidi Ibrâhîm al-Riyâhî ; une zawiya tunisoise du XIXe siècle. Nous tenterons ainsi de mettre au jour la datation du début des travaux de la fondation de ce monument avec une présentation du cheikh Ibrâhîm al-Riyâhî. Notre intérêt porte aussi sur l’étude architecturale et décorative détaillée de l’édifice dans le but d’en dégager les différentes influences artistiques et de mettre en évidence ses caractéristiques architecturales en tant que zawiya tunisoise du XIXe siècle.
Mots clés
Zawiya, Tunis, XIXe siècle, datation de la fondation, caractéristiques architecturales et décoratives.
Abstract
The article deals with the zawiya of Sidi Ibrâhîm al-Riyâhî as the main topic; example of a Tunisian zawiya dating back to the 19th century, based on a historical and especially archaeological study, through which we try to bring to light mostly the precise date of the beginning of the foundation work of this zawiya, in addition to a presentation of Sheikh Ibrâhîm al-Riyâhî. Our interest also focuses on a detailed architectural and decorative study of the building with the aim of dissecting the various artistic influences and highlighting these architectural characteristics as a 19th century Tunisian zawiya.
Keywords
Zawiya, Tunis, 19th century, foundation dating, architectural and decorative characteristics.
الملخّص
تمثّل زاوية سيدي ابراهيم الرّياحي الموضوع الرّئيسي لهذا المقال. حيث نتناول دراستها كمثال لزاوية تونسيّة (نسبة لمدينة تونس) تعود للقرن التّاسع عشر وذلك من خلال دراسة تاريخيّة وأثريّة تهدف لتأريخ بداية أشغال البناء بهذه الزاوية بدقّة. بالإضافة لتخصيص قسم لتقديم سيرة الشّيخ إبراهيم الريّاحي.
ومن خلال هذا المقال أيضا نتطرّق لدراسة معماريّة وزخرفيّة مفصّلة للمعلم قصد تسليط الضّوء على مختلف التّأثيرات الفنّيّة والخصائص المعماريّة له كأحد معالم القرن التّاسع عشر بمدينة تونس.
الكلمات المفاتيح
الزّاوية، مدينة تونس، القرن التّاسع عشر، تأريخ البناء، الخصائص المعماريّة والزّخرفيّة.
Pour citer cet article
Nour Kharraf, « La zawiya de Sidi Ibrâhîm al-Riyâhî de Tunis :Une étude historique et archéologique », Al-Sabîl : Revue d’Histoire, d’Archéologie et d’Architecture
Maghrébines [En ligne], n°15, Année 2023.
URL : https://al-sabil.tn/?p=5344
Texte integral
La trame urbaine de la Médina de Tunis et de ses deux faubourgs au XIXe siècle constitue un héritage de l’époque hafside conservé par les Husseinites qui s’intéressèrent particulièrement à l’édification d’espaces religieux ; citons à titre d’exemple les mosquées, les medersas, mais surtout les zawiyas qui occupèrent une place très importante dans l’urbanisme de la ville. Ces dernières prenaient une importance grandissante avec les Hafsides et qui continuait sous les Ottomans, les Mouradites et les Husseinites qui avaient une grande passion pour les soufis et une ferme croyance en eux, au point qu’ils les employaient pour préparer leur légitimité politique. Pour cela, ils donnaient un grand intérêt à la construction et à l’embellissement des zawiyas. C’est dans ce contexte qu’intervient notre choix de la zawiya de Sidi Ibrâhîm al-Riyâhî, située dans la Médina de Tunis1, dont la construction au XIXe siècle pourrait être un bon témoignage du rapport étroit du cheikh avec le pouvoir husseinite.
Les zawiyas ne tissent pas seulement des liens avec le pouvoir politique mais aussi avec le peuple puisque la visite de ces fondations mystiques demeure jusqu’à nos jours un vivant témoignage de la ferveur populaire tunisienne. En effet, la zawiya de Sidi Ibrâhîm al-Riyâhî, objet de notre étude, accueille aujourd’hui visiteurs et fidèles qui croient en la grâce du cheikh qui y repose.
Le sanctuaire attire l’intérêt des chercheurs au vu de la renommée du cheikh al-Riyâhî et des éléments architecturaux et décoratifs de la zawiya datant du XIXe siècle demeurés dans un bon état de conservation. Malgré l’abondance des études historiques et archéologiques menées sur ce monument, la question de sa date de fondation reste toujours incertaine2; les différentes sources du XIXe siècle et les documents d’archives consultés ne mentionnent aucune date précise relative aux débuts de la fondation de ce monument.
En l’absence donc de données historiques, nous nous demanderons à quel point l’étude des données archéologiques est-elle fiable pour replacer le monument dans son contexte historique et dater précisément le début des travaux de la fondation de la zawiya de Sidi Ibrâhîm al-Riyâhî ?
Les différents travaux d’aménagement entrepris par les Husseinites (restauration, construction ou embellissement) sur les édifices publics ou privés présentaient à cette époque des innovations au niveau des techniques et des matériaux de construction et de décoration qui s’ajoutaient, à leur tour, aux anciens styles prédominants. En effet, l’architecture tunisoise s’ouvre progressivement, entre le XVIIIe et le XIXe siècle, sur les villes européennes et elle est donc influencée par les tendances artistiques architecturales et décoratives importées, essentiellement de l’Occident. Ces nouvelles techniques d’influences occidentales et orientales nécessitaient l’intervention d’une main-d’œuvre étrangère (artisans turcs, andalous ou européens). En étudiant le cas de la zawiya de Sidi Ibrâhîm al-Riyâhî dans son contexte urbain (un monument de la Médina de Tunis au XIXe siècle), nous tenterons de dégager les caractéristiques de son organisation architecturale en tant que zawiya tunisoise et ses spécificités décoratives ainsi que ses influences artistiques en tant qu’édifice du XIXe siècle ?
1. Le cheikh Ibrâhîm al-Riyâhî : l’homme savant entre pouvoir politique et confréries soufies
Ibrâhîm al-Riyâhî est Abû Ishâq Ibrâhîm b.cAbd al-Qâdir b. Ahmad al-Riyâhî b. Ibrâhîm at-Tarâbulsî al-Maḥmûdî.
L’ancêtre Ibrahim était faqîh (juriste) originaire de la tribu libyenne des M’hamîd à Tripoli. Bien qu’issu de cette ville, il s’installa à al-cArûsiyya (actuelle Mdjez al-Bâb) ; où il apprenait le Coran aux enfants en connaisseur de la science d’al-Jafr. Cette localité est située sur le territoire des Riyâh-s (les Riyahides) ; dont le cheikh al-Riyâhî tira son patronyme. Le fils du faqîh Ibrâhîm at-Tarâbulsî ; Ahmed, s’installa après à la ville andalouse Testour où il fut inhumé avec son fils cAbd al-Qâdir (le père du cheikh Ibrâhîm al-Riyâhî).
Le cheikh Ibrâhîm al-Riyâhî naquit en 1180H/1766-1767 à Testour. Il y apprit le Coran avant de se rendre à Tunis pour poursuivre ses études à la fin du douzième siècle de l’hégire. Il résida dans un premier temps dans une chambre de la madrasa des Ḥ’wânit cAšûr, puis il s’installa quelques années après, à la madrasa de Bîr Lahjâr, où il obtint une formation lui permettant d’accéder à l’enseignement de la Grande Mosquée Zitouna. Il y fit de brillantes études en tant qu’élève de la plupart des grands savants que connut la capitale à son époque, citons à titre d’exemple, le cheikh Hamza al-Jabbâs qui lui apprit la grammaire, le cheikh Ismâ’îl at-Tamîmî qui lui enseigna les fondements du fiq’h, le cheikh cAmor al-Mahjûb qui lui inculqua la rhétorique et la logique, les cheikhs Salah al-Kawwâch, Muhammad al-Fâssî, Hasan al-Charîf, Ahmed Bûḫris, et Muhammad Taher b. Mascûd, etc. Après avoir obtenu la licence à la Zitouna, le cheikh Ibrâhîm al-Riyâhî se voua à l’enseignement. Il était renommé pour son intelligence et la souplesse de sa pédagogie. La grande réputation acquise grâce à ses cours dépassa même celle des autres savants de la Zitouna à cette époque 3.
Malgré son succès durant une vingtaine d’années à Tunis, sa situation financière ne s’améliorait pas et il vivait en célibataire en célibataire dans une cellule de madrasa. Il décida alors de quitter le pays. Mais sa bonne réputation et ses talents d’orateur, le firent remarquer par le vizir Yûsuf Saḥeb Ṭâbac qui refusa que la Régence perde un tel savant. Il le chargea ainsi d’un poste de documentation (notaire), fonction d’une grande importance. De même, il se chargea des frais de son mariage et lui procura aussi un domicile bien équipé. La maison du cheikh al-Riyâhî (fig. 1) existe encore dans la rue qui porte son nom près des Hawânît cAshûr (elle est occupée à présent par une famille descendant du cheikh Ibrâhîm al-Riyâhî). Mais nous doutons qu’il s’agisse de la demeure offerte par le vizir Yûsuf Saḥeb Ṭâbac. En effet, le chroniqueur Ibn Abî Ḍhiyâf4, évoque un discours du cheikh Ibrâhîm al-Riyâhî où il parle de la maison offerte par ce vizir et qu’il situe près de la mosquée d’al-Halfaouine. Par ailleurs, un registre beylical des dépenses de numéro 823, daté de shacbân 1254, mentionne que parmi les frais consacrés au pèlerinage du cheikh au nom du Mustafa bey, figure une somme (14000 piastres) réservée à une maison du cheikh5.
Rappelons que le cheikh Ibrâhîm al-Riyâhî est originaire de la région de Téboursouk, située au Nord-Ouest de la Tunisie, à environ 100 km à l’ouest de Tunis. Or, le vizir Yûsuf Saḥeb Ṭâbac le marie à une femme d’une famille tunisoise noble : Lallâ Daddû. Son épouse donne naissance à deux fils : Muhammad al-Ṭayyeb (décédé du vivant de son père) et Alî. Après quelques années, sa femme décède, ce qui l’oblige à se marier de nouveau. Encore une fois, il épouse une femme originaire d’une famille tunisoise prestigieuse, appelée Lallâ Mariam. Cette dernière donne naissance aux autres enfants du cheikh al-Riahi : deux fils, Muhammad al-Ṭaher et Muhammad et trois filles, Fâtma, Bayya et cAycha6.
Le cheikh Ibrâhîm al-Riyâhî s’introduisit progressivement dans les milieux politiques et se chargea de différentes tâches et postes officiels.
En 1218H/1803-04, la Régence de Tunis est menacée par la famine due au manque de pluie. Hammûda Pacha souhaite envoyer le cheikh Sâlah al-Kawwâch au Maroc pour demander l’aide du Sultan Mouley Sulaymân. Mais le cheikh s’excuse en raison de son âge et suggère au Bey de charger son étudiant, le brillant orateur, Cheikh Ibrâhîm al-Riyâhî, de cette mission, qui fut honorée de succès7.
À la fin du mois de safar 1221H/ mai 1806, le cheikh cAmor al-Mahjûb est écarté de son poste de Qadi de Tunis, et Hammûda Pacha nomme le cheikh Ibrâhîm al-Riyâhî à sa place. Le cheikh refuse le poste et pour fuir la pression du Bey, il se réfugie dans la zawiya de Sidi cAli cAzzûz à Zaghouan avec son disciple Muhammad b. Mlûka, ne regagnant Tunis que lorsque le cheikh Ismâcîl at-Tamîmî est nommé Qadi de Tunis. A son retour dans la capitale, il reprend son travail d’enseignant8.
Le cheikh Ibrâhîm al-Riyâhî rejoint alors le corps scientifique fondé par le vizir Yûsuf Saḥeb Ṭâbac en 1229 H/1814 et prend le poste du cheikh Muhammad al-Fâssi après sa mort pour enseigner les sciences religieuses dans la mosquée d’al-Halfaouine. A l’assassinat de Yûsuf Saḥeb Ṭâbac, le 12 safar 1230H /23 janvier 1815, le cheikh al-Riyâhî compose un poème élégiaque, dont quelques versets furent inscrits sur la stèle de la tombe du vizir. Par la suite, Mahmûd bey veut transférer ses cours à la mosquée de la Zitouna, sous prétexte qu’elle représente le centre scientifique le plus important de Tunis pour les étudiants. Mais les doctes professeurs protestent et refusent cette décision, surtout le cheikh Ibrâhîm al-Riyâhî, resté fidèle à la générosité du vizir Yûsuf Saḥeb Ṭâbac9.
Le 15 jumâdâ I 1248H/10 octobre 1832, le cheikh Ismâcîl at-Tamîmî décède. Hussein bey nomme le cheik al-Riyâhî à son poste de jurisconsulte suprême de rite malékite, fonction qu’il accepte après une longue hésitation10.
En 1252H/1836, Mustafa bey empêché par sa santé d’accomplir le pèlerinage aux Lieux Saints, charge le cheikh al-Riyâhî de le faire à sa place. Le cheikh revient à Tunis le 13 rajab 1253H/13 octobre 1837, trois jours après le décès du bey11.
Ahmed bey succède alors à son père au pouvoir. Mais son Etat n’est pas en mesure de payer l’impôt annuel à la Sublime Porte. Redoutant la réaction du sultan ottoman, il réunit son Conseil, et Mûstafa Saḥeb Ṭâbac lui propose de mandater le cheikh Ibrâhîm al-Riyâhî pour solliciter du sultan Maḥmûd une dispense de paiement pour l’année en cours.
Le samedi 8 de rabîc II 1254H/30 juin 1838 le cheikh gagne Islamboul (actuelle Istanbul) muni d’une lettre du bey en arabe (la première à être envoyée dans cette langue à la Sublime Porte12). Il bénéficia, comme savant, d’un accueil favorable, et le Sultan Maḥmûd qu’il eut le privilège de rencontrer, l’apprécia et releva la Régence de sa contribution fiscale13.
Le 21 de jumâdâ I 1255H/août 1839, Ahmed bey nomme le cheikh Ibrâhîm al-Riyâhî, qui conserve son poste de jurisconsulte suprême de rite malékite, dans la fonction de Grand imâm de la mosquée Zitouna. Il était le premier savant (câlim) à cumuler ces deux fonctions14.
Le 25 de muḥarrem 1262H/23 janvier 1846, Ahmed bey édite un décret prescrivant l'affranchissement des esclaves dans toute la Régence de Tunis. Cette décision mise en application progressivement et en 1262H, le Bey interdit définitivement leur propriété15,après avoir consulté les membres du Conseil de la Charia. Les deux grands muftis, Muhammad Bayram III au nom des Hanéfites et Ibrâhîm al-Riyâhî au nom des Malikites avaient répondu à ce décret par des lettres d'approbation16.
Au mois de muḥarrem 1266H/décembre 1849, malgré la propagation d’une épidémie dans la Régence de Tunis, le cheikh al-Riyâhî célébre al-Mouled comme le prescrit la coutume, à la Grande Mosquée de la Zitouna, en l’absence d’Ahmed bey isolé par peur de l’infection17.
Le succès politique et diplomatique dans toutes ces différentes tâches officielles et postes chargés par le savant Ibrâhîm al-Riyâhî, ne l’empêchait pas à s’approfondir davantage dans la connaissance profonde de Dieu et le mène à une quête pour l’épanouissement de sa foi. Ses études et sa vocation à l’enseignement n’enrichirent pas seulement son savoir exotérique mais aussi sa connaissance ésotérique. Cette double quête plonge le cheikh dans le sacré depuis son jeune âge jusqu’à sa mort. Ses penchants mystiques et sa quête l’ont mené à suivre diverses confréries soufies et il finit par adhérer à la Châḏuliyya, confrérie de son professeur (dans sa recherche initiatique) le saint-cheikh al-Bâšîr al-Mešîšî18.Ibrâhîm al-Riyâhî, est alors encore un étudiant à peine âgé de vingt ans et très attaché à son cheikh qui lui transmet plusieurs connaissances et secrets divins.
En 1216H, selon le récit d’al-Senûssî19, le cheikh Ibrâhîm al-Riyâhî vit un soir en songe qu’il rencontrait un marocain à la mosquée de la Zitouna l’invitant à rejoindre la confrérie al-Aḥmadiyya (al-Tijâniyya). Le lendemain, il se dirigea vers cette mosquée et rencontra au même emplacement l’homme qu’il vit en rêve : le cheikh cAli Ḥarâzim20(le « propagandiste » de Sidi Ahmed al-Tîjânî21).Le biographe descendant du cheikh al-Riyâhî (cAmor al-Riyâhî) n’évoque pas ce rêve dans son œuvre. Il parle seulement de l’année de l’arrivée du cheikh Harâzim en 1211H à Tunis et de sa rencontre avec Ibrahim al-Riyâhî ainsi que du apport étroit qui les liait22.Bien que leur récit diffère, les deux sources affirment l’arrivée du muqaddem du cheikh Ahmed al-Tîjânî et sa rencontre avec le cheikh al-Riyâhî. Il est fort probable que cette rencontre remonte à 1211H/1796 et non pas à 1216H. Après avoir appris l’arrivée du cheikh cAli Ḥarâzim du Maroc, le cheikh al-Riyâhî l’invita à s’installer chez lui dans sa cellule à la madrasa de Bîr Lahjâr, ce qui renforça leur amitié.
La cérémonie de conversion à la confrérie Tijâniyya du cheikh al-Riyâhî eut lieu en 1216H/1801. Al-Senûssî et cAmor al-Riyâhî23nous évoquent les détails de cette cérémonie, où le cheikh Harâzim dévoile au cheikh Ibrahim plusieurs « mystères » et l’invite à suivre la confrérie d’Ahmed al-Tîjânî. Après avoir obtenu l’accord de son cheikh châḏulî al-Bâšîr al-Mešîšî, Ibrâhîm al-Riyâhî devient le premier Tîjânî à Tunis. Le cheikh Ibrâhîm al-Riyâhî déclame alors un poème de sa composition en l’honneur du cheikh Harâzim et décrit dans une préface sa réunion avec lui et la date de sa licence (ijâza), mi-Jumâdâ I 1216H/septembre 1801, en plus du « wird » (oraison personnelle) et de la « waḍîfa » (invocation) de la confrérie Tijâniyya. Il devient très attaché à cette confrérie et obéit à sa règle, c’est pour cette raison d’ailleurs qu’il décide de fonder sa propre zawiya, afin de diffuser cette nouvelle confrérie à Tunis. En l’année 1218H/1803-1804 est celle de sa mission au Maroc pour rencontrer le fondateur de la confrérie Tijâniyya. Dès son arrivée, se rend au domicile du cheikh Ahmed al-Tîjânî à Fès, où il rencontre plusieurs cheikhs y compris le cheikh cAli Harâzim. Le cheikh Ibrâhîm al-Riyâhî, a le privilège d’être un des meilleurs disciples du cheikh al-Tîjânî, duquel il obtient l’autorité à son tour de transmettre sa doctrine en vertu d’une licence (ijâza)24.
Le cheikh Ibrâhîm al-Riyâhî était un talentueux homme de plume. Il composa de nombreux prêches, lettres, poèmes et récits de divers thèmes surtout religieux25:
-Un recueil de prêches du vendredi, quelques textes, publiés par son fils le cheikh Alî al-Riyâhî et son petit-fils cAmor al-Riyâhî dans son œuvre « Tactîr al-Nawâḥî ».
-Des pièces constituées de consultations (fatwâ-s) rimées ou de devinettes juridiques dont quelques-unes sont mentionnées par cAmor al-Riyâhî dans « Tactîr al-Nawâḥî ».
-Plusieurs lettres destinées aux beys husseinites, sultans des autres pays, vizirs, etc.
-Un commentaire sur « Charaḥ al-Fâkî », il s’agit l’œuvre de Jamâl eddine Abdallah b. Ahmed al-Fâkî al-Mekkî, intitulé « Mûjîb en-Nadâ li Charaḥ Qatir en-Nadâ ».
-Le commentaire d’al-Ḫazrajiya en matière de métrique (d’Abî Muhammad Abdallah al-Ansârî al-Ḫazrajî).
-Une épitre pour la revivification d’al-Mouled, la célébration de l’anniversaire du Prophète Muhammad « al-Mawled », un résumé de l’œuvre du cheikh Mûstafa al-Bakrî intitulé « al-Monhal al-Asfâ fî mawlid al-Rasûl al-Mûstafâ. »
-Un recueil de poèmes (Dîwân) comportant un certain nombre de pièces de circonstances différentes (félicitation, élégie, éloge, remerciement, etc.) dédiées à de grands personnages de la Régence : Beys, Vizirs, Qadis, etc. En outre, on y trouve un grand nombre de courtes pièces composées à l’occasion de l’édification d’un monument : mosquée, fontaine publique, fondation pieuse, etc. Pour les poèmes d’inspiration religieuse figurent : des poèmes en l’honneur du Prophète déclamés à Médine surtout le fameux éloge nommé « Al-Narjasa al-cAnbariyya fi al-salâti ‘ala ḫayr al-bariyya », panégyriques à l’adresse de ses cheikhs en soufisme, tels les cheikhs Ahmed al-Tîjânî, cAli Harâzim, etc.
-Il faut aussi mentionner deux autres poèmes dans « Tacatîr en-Nawâḥî » et dont l’un constitue une composition grammaticale, tandis que l’autre un poème sur la chimie.
Le cheikh Ibrâhîm al-Riyâhî ainsi que son fils aîné moururent la même année, victimes de l’épidémie propagée dans la Régence. Il décéda un mercredi le 28 ramâḍan 1266H/7 août 1850 comme l’indique l’épitaphe surmontant son tâbût (tombeau) (fig. 2) au texte suivant :
بســــــــــــــــــــــــم الله الرّحمن الرّحيم
اللّهـــــــــــــم صلّ على سيّدنا محمّد الفاتح لما أغلق والخاتم لما سبق ناصر الحقّ بالحقّ
والهـــــــــــــــــــــــــادي إلى صراطك المستقيم وعلى آله حقّ قدره ومقداره العظيــــــــم
هــــــــــــــــذا ضريح العالم المالكي وكبير المفتيين في مذهب مالك الشّيخ سيدي إبراهيم
الرياحي توفّــــــــــــــــــــــــــي قدّس الله روحه في الثّامن والعشرين من رمضان المعظم
سنة ١٢٦٦ (1266)
Cette date est confirmée par Ibn Abî Ḍiyâf et al-Nayfer (le petit-fils du cheikh Ibrâhîm al-Riyâhî). Quant à cAmor al-Riyâhî et al-Senûssi, ils affirment que la date de son décès est le 27 ramâḍan 1266H. A sa mort, une grande tristesse gagne le pays. Ahmed bey assiste le lendemain aux funérailles en présence d'un grand nombre de personnes. Il est inhumé dans sa zawiya, près de la tombe de son fils aîné, le cheikh Muhammad al-Tayyeb26.
2. La zawiya de Sidi Ibrâhîm al-Riyâhî : une zawiya tunisoise de la confrérie tijâniyya
2.1. Situation
La zawiya de Sidi Ibrâhîm al-Riyâhî est située dans la Médina de la ville de Tunis. Elle ouvre sur son côté Sud-Est au numéro 11 sur la rue (fig. 3) qui porte le nom du cheikh : rue Sidi Ibrahim al-Riahi (une ramification de la rue du Pacha) (fig. 4) ; cette rue se localise dans le quartier connu sous le nom de « Ḥwânit cšûr ». La zawiya se situe au cœur d’un quartier résidentiel. Elle est cernée actuellement de maisons sur ses côtés (sauf au Sud-Est).
2.2. Histoire du monument et datation précise de construction
Pour évoquer l’histoire de la zawiya, commençons par la date de sa fondation. Comme nous l’avons déjà mentionné, après avoir obtenu sa licence des mains du cheikh cAli Harâzim, cheikh Sidi Ibrâhîm al-Riyâhî décida d’édifier sa propre zawiya pour diffuser les règles de sa nouvelle confrérie soufie à Tunis. Cette cérémonie eut lieu d’après le récit du cheikh al-Riyâhî, vers mi-Jumâdâ I 1216H/septembre 1801. Nous avons donc adopté cette date-clé au début de notre recherche pour délimiter la période historique de construction du monument. Un deuxième document sur la confrérie al-Tijâniyya que nous avons trouvé à l’A.N.T., présente un inventaire effectué par les autorités françaises sur les zawiyas de cette confrérie dans toute la Tunisie27. Celle de Sidi Ibrâhîm al-Riyâhî est mentionnée en tête de liste, pour l’année 1799 accompagnée d’une note au-dessus « début XIXe siècle ». Rappelons que le cheikh al-Riyâhî commençait déjà la diffusion de sa nouvelle confrérie avant même sa rencontre avec le fondateur de la Tarîqa (confrérie) al-Tijâniyya en l’an 1218H/1803-1804. Ainsi, à partir de ces données, nous pouvons estimer que la date de la fondation d’« une simple zawiya de quartier » se situerait entre 1801 et 1803.
Quant au choix de l’emplacement de la zawiya, nous avons rassemblé divers récits à ce sujet lors de notre recherche, sans pouvoir en privilégier un seul en particulier. Une première version affirmait que le cheikh al-Riyâhî a acheté une maison dans l’emplacement actuel de la zawiya, en lui affectant quelques modifications consacrant une grande pièce à la prière et aux invocations de la confrérie al-Tijâniyya. Une deuxième version prétend que cet emplacement était un terrain vierge, propriété du cheikh, où il aurait vu en rêve le Prophète Muhammad lui ordonnant d’édifier la zawiya à cet emplacement. Mais il semble qu’il n’y avait pas de maison dans cet emplacement mais il était occupé par un petit cimetière de quartier avant la construction de la zawiya. Sachant que le cheikh ayant enseigné au masjed al-Chorfa (localisé face à la zawiya et actuellement transformé en maison,) et logeant à la madrasa de Bîr Lahjâr à quelques pas de là, ait choisi ce lieu pour y édifier son sanctuaire.
Nous nous demanderons donc, comment le cheikh al-Riyâhî a pu construire sa zawiya, sachant qu’à cette époque le cheikh n’était qu’un simple enseignant pensant quitter le pays à cause de sa situation financière déplorable ? Ibn Abî Ḍiyâf dans son œuvre mentionne Ḥmîda b. Dâliya al-Rizgî , disciple de Sidi Ibrâhîm et fidèle de la confrérie al-Tijâniyya qui participa avec son propre argent à la construction de la zawiya28.
Quelques années plus tard, suite à sa renommée et à la réputation de sa nouvelle confrérie dans la Régence, le cheikh Ibrahim envisagea une zawiya plus vaste pour accueillir des fidèle de plus en plus nombreux. Les travaux de réaménagement et d’agrandissement commencèrent en 1265H/1848 comme l’indique une inscription que nous avons découvert sur la coupole de la zawiya lors de notre recherche de mastère en 2020 et qui accompagne un vers du poème d’al-Bâjî al-Messcûdî inscrit dans une des cartouches au niveau de l’intrados du dôme29.Le texte de l’inscription est le suivant (fig. 5) :
ثم ابتنى ١٢٦٥هذا المقام لربّه ولذكر من أولاه فيه نعــــيما
Cette date de 1265H/1848 infirme toutes celles adoptées précédemment, surtout celle de l’année 1850 retenue généralement comme inaugurant le début des travaux de la construction de cette zawiya, travaux entrepris par le cheikh lui-même et non par Ahmed bey comme on a pu le dire. Aucune des sources du XIXe siècle ou des références ainsi que des documents d’archives consultés, évoquant l’histoire de l’édification de ce monument ne mentionne cette date.
Le cheikh al-Riyâhî décéda avant d’achever les travaux qui continuèrent sur les ordres d’Ahmed bey. A son tour, celui-ci rendit l’âme le 14 ramaḍân 1271H/30 mai 1855 avant d’achever cette tâche. Lui succédant au trône, Muhammad bey s’intéressa à cette zawiya. Dans la mesure où il fut l’un des fidèles de cette confrérie. Il en acheva les travaux, datés par al-Bâjî al-Messcûdî dans son fameux poème et nous avons aussi trouvé le vers inscrit sur la coupole de la zawiya avec la date (fig. 6) :
وانـظـر لتاريخ الـمقـام فـانه بيت من الدّرّ النضيـر نـظيــمــا
يــا مـن يـؤمّل بـابـه كن آمـنا قف فالمقام مقام ابراهيما ١٢٧٢
Non seulement il en acheva les travaux, mais Muhammad bey fixa aussi les réunions de la confrérie al-Tijâniyya dans la zawiya. Sur les pas de son frère, Muhammad-al-Sâdik bey renouvela également sa coupole. A cette époque, son vizir Kheireddine redynamisait et c’est ainsi qu’il fit appel à l’artisanat de la sculpture sur plâtre dans le pays, et c’est ainsi qu’il fit appel à deux artisans marocains30pour sculpter la coupole de la zawiya. Al-Bâjî al-Messcûdî et al-Senûssî composèrent deux poèmes pour dater la fin de ces travaux31.Les deux vers d’al-Messcûdî sont aussi inscrits dans la coupole avec la date (fig. 7).
وسل الإله لمن كساها ما ترى فأنارها وأتمّها تتميما ١٢٩٥
الصادق الباشا المشير محمــد أندى الملوك يدا وأكرم خيما
Cette zawiya est ainsi un très bon exemple de l’intérêt que les beys husseinites portaient au courant soufi et aux zawiyas. En même temps, elle constitue une récompense du pouvoir beylical à Sidi Ibrâhîm al-Riyâhî pour son succès dans les missions diplomatiques ainsi qu’un hommage à sa carrière scientifique, politique et religieuse. Sidi Ibrâhîm al-Riyâhî ne réussissait pas seulement à inviter les cheikhs, les professeurs, ses étudiants et les chefs des grandes familles tunisoises à rejoindre sa nouvelle confrérie al-Tijâniyya, il attirait aussi les hommes de la cour beylicale, bien que la majorité d’eux appartiennent aux disciples de la confrérie Châḏuliyya, la confrérie des Tunisois par excellence. Au sein de sa zawiya, Sidi Ibrâhîm al-Riyâhî, ne se contentait pas uniquement de la direction et de la diffusion des invocations de sa confrérie, mais il était renommé également pour ses dons particuliers (karâmât-s) comme sa capacité de guérir les maladies psychologiques ésotériques (acquise lors de sa rencontre avec le successeur de son cheikh Ahmed al-Tîjânî, Sidi Alî al-Témassini). Par ailleurs, une autre particularité s’ajoutait à la sainteté de ce soufi, on disait qu’il était un Qadi pour les djinns.
2.3. Les waqfs de la zawiya
Nous avons consulté un dossier à l’A.N.T.32comprenant des documents et des correspondances (datées entre 1896 et 1926) en rapport avec la gestion des revenus de la zawiya de Sidi Ibrâhîm al-Riyâhî constitués de waqfs et des fûtûhât (cadeaux et dons)33à l’époque du cheikh Muhammad al-Sâdik al-Riyâhî (petit-fils du cheikh Ibrâhîm al-Riyâhî), ainsi que des demandes de ses sœurs de pensions sur ces revenus. Des documents datant de l’année 1343 H. /192534mentionnent les différents biens fonciers et immobiliers de la zawiya:
1)Neuf parcelles de terres cultivées à Râs Djebel, louées à 1.000 francs par an. Le quart du montant de la récolte est destiné au Smât des faqîr-s (pauvres du Dieu) de la zawiya. Tout ce qui est récolté chaque année, entre sous l’autorité du cheikh de la zawiya qui le dépense tous les vendredis durant l’année. Il en achète du pain comme Smât pour les faqîr-s qu’il partageait entre eux à part égales (cette tâche est effectuée uniquement par le cheikh ou par al-moqaddem de la zawiya de Sidi Ibrâhîm al-Riyâhî).
2) Six boutiques d’al-Blâğjiyya, louées à 450 francs. Le quart des revenus est destiné aux lecteurs du ḥizb (Coran) de la zawiya et à son responsable. Le reste, le cheikh le dépensait après les restaurations des biens immobiliers au service de la zawiya.
3) Le dépôt des babouches, loué à 400 francs. (Même texte que celui des boutiques d’al-Blâğjiyya, mot à mot).
4) Dâr al-Qlâl, louée à 400 francs. Le quart des revenus était destiné à toutes les nécessités de la zawiya : restaurations, achat des paillassons, etc.
5) Inzâl de Dâr Sîdî Srîdik, louée à 300 francs. Le quart des revenus était destiné aux faqîr-s, al-qayyim, al-moaḍin, al-waqqâd et l’imâm.
6) La maison de l’impasse d’al-Ḥûrî, louée à 1200 francs. Le quart des revenus était estiné aux restaurations de la zawiya et le reste à ses services.
7) Dâr Qûs al-Ḥaddâdîn, louée à 400 francs. Le quart des revenus est consacré aux nécessités d’entretien de la zawiya comme le blanchiment, la restauration, etc.
8) Dâr Bâb al-Aqwâs, occupée par le cheikh de la zawiya.
9) Le dépôt de Bâb al-Aqwâs, loué à 240 francs. Le quart des revenus est consacré aux faqîr-s de la zawiya ainsi qu’à sa restauration.
10) Une parcelle de de terre d’al-Krârssî cultivée d’oliviers, louée à 300 francs. Le quart des revenus était destiné à la restauration de la zawiya, à l’achat des paillassons, etc.
11) Inzâl de Dâr Ibn cAssâl, louée à 200 francs, consacrés à la restauration et au Smât de la zawiya.
2.4. Direction de la zawiya : pratiques confrériques tîjânie-s et rites des visiteurs
Après la mort du cheikh Ibrâhîm al-Riyâhî, ses fils et la majorité de ses descendants réussirent rapidement leur intégration dans la société tunisoise et consacrèrent leurs vies à l’animation de la zawiya qui n’était administrée que par les descendants du cheikh Ibrâhîm al-Riyâhî:
1) Sidi Alî al-Riyâhî : Après la mort de son père, il administra la zawiya jusqu’à sa mort en 1851.
2) Sidi Muhammad al-Riyâhî : Il succéda à son frère dans l’administration de la zawiya pendant quarante-trois ans jusqu’à sa mort en 1312H./1895.
3) Sidi Muhammad al-Tâher al-Riyâhî : troisième fils de Sidi Ibrâhîm al-Riyâhî, il succéda à son frère et dirigea la zawiya jusqu’à sa mort en mars 192335.
4) Sidi Muhammad al-Sâdik al-Riyâhî : fils de Muhammad al-Tâher, il dirigea la zawiya après le décès de son père jusqu’à sa mort.
5) Sidi Chadhûli al-Riyâhî : petit-fils de Sidi Muhammad (le fils de Sidi Ibrâhîm al-Riyâhî). Il succéda au cousin de son père et dirigea la zawiya jusqu’à sa mort en 1384H/1967.
6) Sidi Bahâ’ Eddine al-Riyâhî : petit-fils de Sidi Muhammad, il fut nommé pour la direction de la zawiya jusqu’à sa mort en 1997.
7) Sidi Muhammad Raûf al-Riyâhî : Il prit les charges de la zawiya au mois du décembre 1997, et la dirigea jusqu’à sa mort en 2012.
8) Sidi Muhammad al-Riyâhî : nommé par le cheikh al-cîd al-Tîjânî al-Témassînî, pour la direction de la zawiya quarante jours après la mort de son frère Sidi Muhammad Raûf. Il était le cheikh de la zawiya jusqu’à sa mort au mois d’octobre 2022.
La zawiya de Sidi Ibrâhîm al-Riyâhî est maintenant sous la propriété de l’Etat comme monument classé depuis le 25 janvier 192236.
La zawiya est actuellement l’une des zawiyas tunisoises les plus vénérées. Elle est ouverte toute la semaine et constitue un havre de paix pour les visiteurs et surtout les femmes. Elles sont nombreuses à la fréquenter pour deux raisons : soit pour se recueillir ou tout simplement pour bavarder et se reposer. Les visiteurs réguliers de la zawiya croient vraiment à la grâce étendue (baraka) et aux pouvoirs bénéfiques du saint soufi qu’ils invoquent. Ils sont très liés sentimentalement à leur espace spirituel (la zawiya). Ce lien sentimental puissant des fidèles avec la zawiya de Sidi Ibrâhîm al-Riyâhî est constaté par plusieurs croyances. Ainsi par exemple, chaque vendredi après-midi, la zawiya ouvre ses portes aux personnes possédées en quête de guérison. Celle-ci s’effectue à travers une lecture de versets du Coran durant sept vendredis consécutifs. Un autre exemple, concernant les femmes, la jeune fille qui veut se marier doit accomplir les travaux de ménage de la zawiya pendant tout un mois.
Parmi les pratiques quotidiennes de la confrérie al-Tijâniyya, on cite les oraisons tîjânies et l’invocation après la prière d’al-cAsir. Le vendredi, les fidèles s’adonnent à un rituel spécifique, en se réunissant pour répéter la « shahâdat » (« lâ ilâha illâ Allâh ») suivant un rythme harmonisé caractéristique de la Tijâniyya. Une autre pratique de cette zawiya nommée « le mercredi noir », s’organise chaque dernier mercredi du mois de safar. Ce jour-là, on fait lire un dûcâ particulier selon un rituel spécifique effectué après l’une des prières de quatre prosternations.
La zawiya célèbre chaque année deux fêtes religieuses dans des cérémonies spéciales, l’une pour le Mouled, l’anniversaire du Prophète et l’autre le vingt-septième jour du mois de Ramâdan appelé laylat al-Qadr ou la nuit du Destin. Lors du Mouled, en mémoire du cheikh Ibâhîm al-Riyâhî, le premier dans la Régence à célébrer cette occasion à la Grande Mosquée, on célèbre dans sa zawiya cette occasion le premier vendredi après le jour du Mouled, le 12 rabîc Ier, avec la lecture du texte d’«al-Mawled» du cheikh al-Riyahi après la prière d’al-cAsir et la répétition de la «shahâdat». Toutes ces pratiques qu’elles soient quotidiennes ou annuelles, sont orchestrées par le cheikh de la zawiya, le directeur spirituel et temporel de l’ordre, au sommet de la hiérarchie organisant les fidèles de cette confrérie.
Dans l’histoire de la zawiya, les femmes, à l’instar des hommes ont toujours joué un rôle de premier plan dans l’animation de la Zawiya, qu’il s’agisse de l’épouse du cheikh, de la moqadma voire des fidèles de la zawiya qui consacrent leurs vies à veiller à la propreté du lieu, à encadrer la foule des visiteuses, ou à la distribution de ‘Smât’ (pain et morceaux de sucre) pour les visiteurs, etc.
Grâce aux sources historiques et littéraires et aux documents de l’A.N.T. ainsi qu’à l’enquête orale avec la famille al-Riyâhî, nous avons remarqué que la zawiya comprenait plusieurs tombes dans différentes pièces du monument outre celles du cheikh Ibrâhîm al-Riyâhî et de ses fils situées dans la salle funéraire. Mentionnons à titre d’exemple les tombes des filles de Sidi Ibrâhîm, celles de son petit-fils Sidi al-Sâdik (qui a dirigé la zawiya), et de quelques-uns de ses fidèles et disciples.
3. Description architecturale et décorative du monument
Rappelons que la zawiya n’était à l’origine qu’une simple zawiya de quartier édifiée avec de modestes matériaux de construction. Le sanctuaire primitif était composé de quelques pièces dont la plus importante était l’oratoire, avec une cour à ciel ouvert précédée d’une sqîfa37 (caractéristiques d’une simple habitation tunisoise).
Les travaux de construction qui ont abouti au plan actuel du monument commencèrent avec le cheikh Ibrâhîm al-Riyâhî en 1265H/1848. Mais il s’agissait plutôt de transformations que de véritable construction. Jamila Binous dans son œuvre Maisons de la Médina de Tunis, classe la zawiya de Sidi Ibrâhîm al-Riyâhî comme une maison repensée38.
L’architecte qui dirigea les travaux de la zawiya est issu de la famille andalouse Ennigro (probablement le père de Sliman Ennigro)39. Nous n’avons pas trouvé les registres de ces différents chantiers, excepté un registre de l’A.N.T. de numéro 228140 qui présente un chantier élaboré de cette zawiya entre le 1er de dhû al-kicda et le 6 de dhî al-hijja de l’année 1274H (entre le 13 juin et 18 juillet 1858) à l’époque de Muhammad bey. Ce chantier fut d’une courte durée, les tâches n’étant pas mentionnées avec détails à l’exception de quelques-unes. Il semble qu’il s’agissait de travaux de finition et de décoration.
L’édifice s’organise selon un plan presque régulier (fig. 8). La parcelle qu’il occupe, de forme trapézoïdale, possède les dimensions suivantes : côté Nord-Est 16,21m, côté Sud-Est 14,56m, côté Sud-Ouest 16,53m et côté Nord-Ouest 15,55m. Ces mesures déséquilibrées et la forme générale du plan indiquent que l’édifice a été conçu en plusieurs phases. Le monument abrite tous les éléments traditionnels d’une zawiya tunisoise41. Le sanctuaire s’organise autour d’une cour entourée de diverses pièces : une salle de prière et une salle funéraire, des dépendances comme la mîḍa (pièce d’ablution), une cuisine et des pièces de différentes fonctions.
3.1. Entrée et vestibule
La façade principale de l’édifice est recouverte de chaux et ornée d’une grande porte et de cinq fenêtres à grilles à volutes (shabbâk be-zallabiya). Ces grilles comprennent un cadre de 0,81m de largeur, meublé de barreaux horizontaux régulièrement espacés auxquels sont liées par des bagues, les doubles volutes en S. Toutes ces fenêtres sont garnies d’un encadrement de calcaire clair (kadhdhel) d’une largeur de 0,25m. Entre les deux fenêtres à gauche, à un niveau plus bas, un cadre carré d’un mètre de côté prend place. Il est orné de panneaux de faïence et de qadhib (un ruban noir fait de pièces de céramique). Probablement un ancien emplacement d’un Sébil (fontaine publique) (fig. 9). Tout le bord des terrasses de cette façade principale est garni d’une corniche en tuiles vertes. Sur la toiture, et surplombant la rue s’élève un long poteau42 en bois garni de deux boules métalliques de tailles et de formes différentes ; l’une au centre et l’autre en haut. Il est entouré d’une barrière à grilles à volutes (fig. 10).
La porte d’entrée est surhaussée de deux marches en calcaire clair par rapport au niveau de la rue (fig. 11). L’une est d’une longueur de 2,52m et l’autre de 1,17m. Deux vantaux symétriques de trois mètres de longueur se dressent à l’intérieur d’un grand arc en plein cintre, séparés par un cadre joint clouté. Le vantail droit est doté d’une petite porte (khûkha) mesurant 1,57m sur 0,73m, bardée de cuivre à laquelle la patine du temps a donné l’apparence du bronze. Elle comporte des heurtoirs aux formes complexes et raffinées. Son cloutage est un cloutage constructif à décor ordinaire en lignes horizontales et verticales. La grande porte est ornée d’un encadrement double de 0,78m de largeur, composé de blocs de kadhdhel décorés, et de blocs de grès coquiller (hdjar ahrash). A droite de la porte d’entrée, une ancienne plaque mémorielle mentionne qu’Ahmed bey était le fondateur du monument en l’année 1267 H/1850 et que Muhammad al-Sâdik bey renouvelait la coupole en 1295H/1878.
L’accès à la zawiya se fait à travers cette unique entrée qui conduit à un vestibule (drîba) en chicane (a) (fig. 12), surmonté par des voûtes d’arête d’une hauteur de 4,25m. Ses murs sont revêtus de panneaux de faïence d’influences européennes. Quant au sol, il est couvert d’un pavement en calcaire clair. Ce vestibule de 4,90m sur 3,47m. possède une fenêtre ouvrant sur la rue. La porte d’entrée principale est surmontée du côté intérieur d’un cadre orné de barreaux horizontaux auxquels sont liées les doubles volutes en S. Le vestibule donne accès du côté Est à une pièce (bît al-drîba), du côté Nord à la cour avec une porte à double vantail d’une longueur de 2,53m et d’une largeur de 1,07m, s’inscrivant dans un encadrement en blocs de marbre grisâtre et du côté Ouest conduit à une antichambre (sqîfa) (b) (fig. 13). On accède à cette dernière pièce par une porte à double vantail, ornée d’un encadrement de blocs de calcaire clair. Cette pièce mesurant 2,89m sur 1,46m., est dominée par une voûte croisée d’une hauteur de 3,97m. Elle comprend un puits de diamètre de 0,19m, creusé dans une niche (fig. 14) revêtue en panneaux de faïences d’influence européenne et mesurant 0,55m sur 0,40m (au même niveau du Sébil à l’extérieur). Cette niche consiste en une lucarne (mishkât) destinée à allumer les bougies. A son tour, la sqîfa ouvre sur la cour avec une porte à deux vantaux d’une longueur de 2,55m et d’une largeur de 1,20m., encadrée de blocs en marbre grisâtre.
3.2. La cour
Le vestibule permet l’accès à la cour tétrastyle du sanctuaire (c). Celle-ci s’inscrit dans un plan rectangulaire mesurant 9,13m. sur 5,89m. Les quatre côtés de cet espace à ciel ouvert sont ornés de panneaux de faïence (la plupart de ces carreaux sont de réemploi). Le sol de la cour est couvert d’un pavement en carreaux de marbre grisâtre. Le côté d’un carreau mesure 0,44m (fig. 15). La cour de la zawiya était dotée d’un couloir mobile en bois présentant une grille ouvragée, peint en bleu clair et blanc (fig. 16). Ce couloir reliait l’entrée du vestibule ouvrant vers la cour à la porte médiane de la salle de prière. Il était destiné au passage des hommes à l’oratoire sans voir les femmes dans la pièce du côté Nord-Ouest de la cour.
Les côtés Nord-Ouest et Sud-Est sont dotés de deux galeries (fig. 17), d’une largeur de 1,80m chacune, surmontée d’une couverture en bois d’une hauteur de 4,36m. reposant sur trois arcs d’une hauteur de 4m et qui sont portés par des colonnes en marbre gris de 3m. de haut et d’un diamètre approchant les 0.30m., couronnées de chapiteaux de type corinthisant (fig. 18), marqués sur chaque côté d’un flambeau à corbeille ornée d’une seule rangée de feuilles d’acanthe couronnée de croissant. Chaque colonne repose sur une base octogonale de 0,175m de côté. Sur ces galeries reposent des entablements avec des architraves dotées de frises ornées de panneaux de faïence de réemploi. Pour la corniche en menuiserie, il s’agit d’un bandeau en surplomb, soutenu par des assises en bois. Ce bandeau est surmonté d’un larmier orné de tuiles vertes.
3.3. L’oratoire
L’oratoire de cette zawiya est une pièce de forme carrée de 8,95m. de côté (fig. 19). Ses quatre côtés sont revêtus de panneaux de faïence d’influence européenne. Cette pièce possède plusieurs entrées. Elle ouvre sur la cour du côté Sud-Ouest avec trois portes à double vantail (fig. 20). Chaque entrée est flanquée sur les deux côtés d’une porte extérieure et d’une porte intérieure. Les deux portes latérales sont d’une largeur de 1,06m, quant à la porte médiane, sa largeur est de 1,30m. Mais toutes les portes possèdent une même longueur de 2,53m. Toutes ces portes s’inscrivent dans des encadrements en marbre grisâtre. Ceux qui ouvrent directement sur l’oratoire sont dotés de décors en relief. L’oratoire permet l’accès à la salle funéraire du côté Nord-Ouest à travers une porte à deux vantaux et à une deuxième pièce, celle réservée au cheikh de la zawiya du côté Sud-Est. Dans cette pièce, selon le témoignage de la famille al-Riyâhî, des dizaines de personnes furent enterrées mais les tombes sont toutes cachées par le pavement du sol.
Le côté Nord-Est de cette salle est doté de trois placards strictement parallèles aux trois portes d’entrée. Ils sont dotés du même décor que les portes de la même salle. Un quatrième placard prend place dans cette pièce également, il occupe le mur de la qibla à droite du mihrâb.
3.3.1. Le mihrab
Le mihrâb, d’une profondeur de 1,35m, d’une largeur de 1,53m et d’une hauteur de 2,74m, se présente sous la forme d’une niche demi-circulaire occupant le milieu du mur de la qibla (fig. 21). Il ouvre sur un arc en plein cintre outrepassé qui s’appuie sur deux colonnettes engagées couronnées de chapiteaux de type composite-husseinite (fig. 22).
L’ensemble du mihrâb s’inscrit dans un encadrement fait de plaques de marbre grisâtre, garni au-dessus avec des motifs en champlevé. Cet encadrement est souligné par un ruban noir en céramique (qdhib). La partie inférieure du mihrâb est meublée de sept plaques lisses en marbre entourant l’abside de la niche. Elles sont surmontées des moulures les séparant de la partie supérieure du mihrâb. Cette dernière se compose d’une demi-coupole tapissée d’un revêtement de plâtre sculpté d’une inscription composée de six phrases de style coufique prenant place dans sa partie supérieure. L’écriture dorée est appliquée sur un fond vert foncé (fig. 23). Le texte du mihrab est comme suit:
-1ère phrase : écrite horizontalement au-dessus de l’intrados de l’arc du cul-de-four du mihrab et sur deux lignes :
وصلّى الله على سيّدنا محمّد وعلى آله وصحبه وسلّم تسليما كثيرا.
- 2ème phrase : écrite verticalement et sur quatre lignes :
بسم الله الرحمن الرحيم.
-3ème phrase : écrite sous forme d’un triangle et sur trois lignes :
بسم الباقي على الدّوام.
-4ème phrase : écrite aussi sous forme d’un triangle et sur trois lignes :
بسم الفاعل بالمطلق
-5ème phrase : écrite horizontalement au-dessous de l’intrados de l’arc du cul-de-four du mihrab et sur deux lignes. Il s’agit du 77ème verset de la sûrat al-Hajj :
"يا أيّها الّذين آمنوا اركعوا واسجدوا واعبدوا ربّكم وافعلوا الخير لعلّكم تفلحون." (الآية 77 من سورة الحجّ).
-6ème phrase : inscrite dans un motif carré et indépendante des autres phrases :
ما شاء الله
Ce champ épigraphique surmonte une deuxième inscription sous forme d’un bandeau d’une écriture blanche sur un fond bleu clair. L’intrados de l’arc du cul-de-four est marqué par deux larges bandeaux : le premier bordé d’un décor floral-géométrique et le second porte un ornement d’un décor floral sur un fond bleu.
3.3.2. La coupole
L’oratoire du sanctuaire est dominé par un grand dôme bulbeux d’une hauteur de 13,74m. et d’un diamètre de 11,39m. Il est doté d’un tambour cylindrique reposant sur une base carrée (fig. 24). Le passage du plan circulaire au plan carré est effectué par des trompes d’angle d’une hauteur de 5,90m. Le dôme est en briques. Son extrados est formé de plusieurs couches de grosses poteries inutilisables (jrâr et khwâbî) (fig. 25 et 26). Ces couches sont couvertes de tuiles plates et larges de couleur verte (fig. 27) de type appelé « langue de vache ». Le dôme est couronné d’un jammûr formé de deux boules métalliques de formes différentes.
L’intrados du dôme est tapissé d’un revêtement de plâtre sculpté richement décoré où l’on peut observer différents motifs de décors organisés sous forme annulaire (fig. 28). La décoration de style hispano-maghrébin et alimenté de quelques touches artistiques orientales, se dégrade à partir du centre du dôme et couvre tout l’intrados pour donner huit niveaux différents. Chaque niveau se caractérise par un décor particulier. Henri Saladin, dans son œuvre Tunis et Kairouan, y a relevé les techniques de décoration de deux artisans: celles du sculpteur Muhammad bel-Hadj Younès, dont les travaux présentent « un goût turco-persan caractérisé par des arabesques florales dérivées de l’imitation d’étoffes ou de broderies43.. », et celles de Hadj Hassen al-Fâssî, à qui on peut attribuer « le retour à l’ornementation purement géométrique qui a de nouveau prévalu jusqu’à nos jours dans les tracés des panneaux de plâtre sculpté et des vitraux.44»
La partie hémisphérique est caractérisée par un centre occupé d’une stalactite (muqarnis) d’où se pendille un chandelier en cristal viennois blanc et bleu au bout d’une longue chaîne métallique. Le passage au tambour est effectué par une série de niches surhaussées par des cartouches sculptés ornés de quelques vers du fameux poème « al-Burda » (fig. 29). Le texte épigraphique de ces cartouches est comme suit :
بســــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــم الله الرحمـن الرحيــم
وصــــلّــــــــــــى الله عــلـــــــــــــــــــــــــى ســيّـــدنـــــا مــحــمّـــــد وســلّــــــــــم
أمـــــــن تـذكّر جـيـران بذي سلم مـــــزجت دمعـا جـرى مـن مقـلـة بدم
أم هبــّت الـرّيح من تـلقاء كـاظمة وأومـض البرق في الظّـلماء من إضـم
فـما لعـينـيك إن قـلت اكفـفا هـمتا ومـــا لـقـلـبـك إن قـلـت اسـتـفـق يـهــم
أيحسب الصّبّ أنّ الحبّ مـنـكـتـم مــا بـيـن مـنسـجـم مـنـه ومــضـطــرم
لولا الهوى لم ترق دمعا على طلل ولا أرقــت لـذكـر البـــــان والـعـــلـــــم
فـكيف تنكر حبّـــا بعد مــا شهدت بـه عـليـك عـدول الــدمـع والــسّــقـــــم
وأثبت الوجد خطّي عبرة وضـنـى مثل البهـــار عـلــى خـدّيـك والـعـنــــم
نعم سرى طيف من أهوى فأرقني والحــب يـعـتـرض الـلّـذّات بـالألــــــم
يا لائمي في الهوى العذري معذرة منّــي اليـك ولـو أنـصفت لـــم تــــلـــم
عدتك حـــالــي لا ســرّي بمستـتـر عــن الوشــاة ولا دائـــي بـمــنـحـســـم
محّضتني النّصح لكن لست أسمعه إنّ المحبّ عن العـذال فـي صــمــــــم
إنّي اتّهمت نصيح الشيب في عـذل والشيب أبـعد في نـصح عن التّـــهــــم
فـإنّ أمّــارتي بالسّوء ما اتّعـظـت من جهلهــا بــنذير الشّـيب والهــــــرم
ولا أعدّت من الفعل الجميل قـرى ضيف ألمّ بـرأسي غير محتــشـــــــــم
لـــو كـنـت أعلـــم أني مــــا أوقره كـتـمت سرّا بــدا لي منه بـالـــكـــتـــم
مـن لـــي بردّ جماح من غوايتهــا كـمـــا يـردّ جـمـاح الخـيـل بـالــلّــجــم
فـلا ترم بالمعاصي كسرّ شهوتهــا إنّ الطــعــــام يقوّي شهوة الـنّــهـــــــم
والنّفس كالطفل إن تهمله شبّ على حـبّ الـرّضاع وإن تـفــطـمه يـنـفــطم
فــاصرف هواها وحاذر أن تولّـيـه إنّ الهوى مـا تولّى يـصـمّ ام يـصـــــم
وراعها وهي في الأعمال سـائـمة وإن هــي اسـتحلت المرعى فـلا تســـم
كــم حـسّـنـت لـــذّة لـلـمرء قـــاتـلة مـن حـيث لم يدر أنّ السّـمّ في الدّســـم
واخش الدّسائس من جوع ومن شبع فــــربّ مخمصة شـرّ مـن الـتّـخـــــــم
واستفرغ الدمع من عين قد امـتلأت مـن المـحارم والزم حمـية الـنّـــــــــدم
وخالف النفس والشيطان واعصهما وإن هـما مـحّضاك الــنّصح فاتّهــــــم
ولا تطع منهما خصما ولا حكمـــا فأنـت تعرف كـيد الخصم والحــكـــــم
أستغـفر الله مــن قـول بـلا عـمـــل لـقـد نسبـت بــه نـسلا لـــذي عــقـــــم
أمرتك الخير لكن ما ائتمرت بـــه ومــا استـقـمــت فما قولي لك استقــــم
ولا تـزودت قبل المــوت نــافــلـة ولم أصلّ سوى فــرض ولـم اصــــــم
ظـلمت سنّة من أحيا الظلام الــــى أن اشــتـكــت قــدمـاه الضّـرّ مــن ورم
وشـدّ من سغب احشاءه وطـــــوى تـحـت الحـجـارة كشحـا مــتـرف الأدم
L’intrados du tambour du dôme est orné de douze fenêtres fermées de vitraux ajourés et colorés, sous forme de niche d’un arc en demi-cercle, en alternance avec des niches en arc brisé finement sculptées. Le passage du tambour aux trompes d’angles est effectué par une série de cartouches sculptés, ornés des vers du poème d’al-Bâji al-Messcûdî (fig. 30). Sous ces cartouches, pendillent huit lampes organisées tout autour de la salle. Le texte des cartouches est comme suit:
إنّه من سليمان وإنّه بســـــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــم الله الرّحمن الرّحيم
وصــلّــى الله علــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــى ســيّـدنـا محـمّـد وسـلّـم
قـــف فالمقـــــام مقــام إبــراهيـــما وانــشقّ مـن الأرج العطيــر شميمــا
اقصد رياض الذّكر وادخل آمــــلا حـــرمــا علـــى مـرّ الزّمــان مقيمــا
فيـــه ثوى طـود العلــوم وبحرهــا أستــــاذ تـــونس ركنـــها الملثومــــا
هــــذا أبــو إسـحـاق أفضل لابــس حـلـل الثّنــاء ودرّهـــا المنظـومـــــا
هـذا الرّيـاحـي قطب دارة قطرنــا مــن فــاق جـلّـتـه الكــرام عمومــــا
هــذا ســراج العــارفيــن بربّــهـم كــم قد هــدى وأفــاد قومــا هيــمــــا
ملأ المشــارق والمغــارب فـضله لــمّــا سـعــى لهـمــا وذاد همـومــــا
كحـلوله فـاسا ١٢١٨ليجلب ميرة فــي عــام قحـط أذهب المـطعـومـــا
فــأجـــلّــه سـلـطــانـهـا وأنــالـــه بـــرّا ونــيـلا واســعــا وجـــســيــما
ومــن المــقــدّس ركـنها مشكاتها أعـنـي التّـجانـي قطـبـها المكتـومــا
نــال العـنـايـة والـمـرام وخـص بـلـطـائـف تـســتـوجـب الـتّـقـديـمــا
واتــتـه تـسعى خطـبة الفتيـا التي نــالـت بـه فـخـرا يـعــزّعـظـيـمــــا
واجـتـاز مصرا عـام حـجّ فـبـرّه ٥٣ سـلطـانـها وأفــاض عـنـه سجومـــا
وسـمـا لقسطنطيـنيّة فـي معـضل لـولا شــفـاعــتـه لـــكـــان ألـيــمـــا
فـأثـابــه السّـلطـان فـوق سـؤالـه وحــوى بـهـا صـيـتـا وبثّ علومــا
ودرى الأعـارب والأعـاجـم أنّـه أضـحـى لـنـور الـنـيّـريـن قــسيـمــا
ثــمّ ابتنى١٢٦٥هذا المقام لـربّه ولــذكـر مــن أولاه فــيـه نــعـيـمـــا
وبه ثوى وثوى١٢٦٦بنوه اللّذّ بهم جــيـش الجـهالـة قد غــدى مهزومــا
زانــوا المـنـابر والـمحافـل فـتـيـة وغـدوا بـدورا فــي الــعــلا ونجومـا
الطيب١٢٦٦الأرضى الهمام محمد وعلي الرضى الحاوي الجلال فطيـما
تـسقي العـهـاد عهـودهم بسـحـائـب مـن رحمــة وتـزيـــدهـم تسـلـيـمـــا
يـــا طـالب الزلفـى ومرتـاد الهدى ومـن ابـــتـغـى مــن ربّه تــكـريـمــا
اقــصـد ثــلاثــتهم وشيخ طريقـتهم واســـأل إلـهـــا غـافـرا ورحـيــمــا
واخــلص لهم وبهم دعـاءك راجـيا نـــيـل الــمـراد وعمـّمـن تعـمـيـمــا
ولـمـن ثـوى في ذا الثـرى أوزاره ولـمــن أعـان وأثـبـــت المنظــومــا
وسـل الإلـــه لمن كساها ما تــرى فـــأنــارها وأتـمّها تتـميـمــا ١٢٩٥
الصّـادق البـاشـا المشــيــر محـمّـد انـدى الــمـلـوك يــدا وأكــرم خيـمــا
نـصــرا وإسـعـادا وعــزّا كـلّــــمـا أهـــدى الرّبــيع الى الرّياض نســيما
وانــظـر لــتـاريـخ الـمــقـام فــإنّـه بـيـت مـن الــدّرّ النّـضيــر نـظيــمــا
يــا مـن يـــؤمّــل بـابــه كــن آمـنـا قـــف فــالـمقام مقام ابراهيما ١٢٧٢
La base carrée du dôme est garnie de formes triangulaires dentelées opposées qui donnent deux parties bien distinguées et en alternance. Au centre des quatre côtés, une forme de niche en demi-cercle prend place. Elle serait soit une fenêtre soit un champ épigraphique (celle du mur Nord-Est). Le texte est composé de deux phrases superposées : la première constitue une basmala et la deuxième est le 36ème verset de la sûrat al-Nûr (fig. 31).
بسم الله الرّحمن الرحيم
في بيوت أذن الله أن يرفع فيها اسمه ويسبّح بالغدو والآصال." (الآية 36 سورة النّور) "
Toutes ces niches forment des axes de symétrie pour deux formes circulaires sinueuses en stuc qui jouent le rôle de supports d’inscriptions. Au nombre de huit, elles comportent chacune une écriture dorée en style cursif appliqué sur un fond vert : Allah, Muhammed, les noms des quatre califes et les noms des deux petits-fils du Prophète : Hassan et Hussein (fig. 32).
Chaque niche repose sur un long cartouche qui joue le rôle de champ épigraphique, au nombre de quatre, de fond bleu, d’une écriture cursive blanche avec trois cyprès dorés séparant les vers sculptés. Les textes sont comme suit (fig. 33):
Le texte N°1 :
يا من يقلّب طرفه كي يجتني من حسنها ما يزدري بجماز
Le texte N°2 :
يا جــــــــــائبا كل البلاد وبالغا ما ليس شاءه مدركا للسّابق
Le texte N°3 :
سل ما تمنيت بالتّجاني إنّك في
روض يجـاب به في كـل ملـتــمـس
Le texte N°4 :
من يرم دائما حصول النّجاح
فليبادر إلى مقام الرّياحي