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De Carthage à BALSA. Municipium romain de Lusitanie
João Pedro Bernardes
L’espace méditerranéen au Moyen Age tardif à travers la céramique
Andreia Rodrigues
Eléments de représentations socio-spatiales et de traçabilité hydro-paysagère à Ghar El Melh : des enjeux de durabilité
Sahar Karray, Ángel Raúl Ruiz Pulpón et Hichem Rejeb
15 | 2023
Peuplement du Gharb-al-Andalus pendant la période émirale.
Éléments pour une étude comparative avec l’Afrique du nord
Susana GOMEZ MARTINEZ
Table des matieres
Résumé
Bien qu’il existe encore peu d’informations sur le peuplement pendant la période émirale du Gharb al-Andalus, certains schémas généraux d’évolution ont pu être identifiés, améliorés et complétés par les données de l’archéologie préventive liées aux grands travaux publics. Outre les continuités et les transformations subies par un nombre considérable de villae romaines, nous disposons de quelques données relatives à l’habitat rural fortifié, à certains groupes d’édifications rurales et plus particulièrement sur la kūra de Beja, un type d’habitat troglodyte détecté dans la Serra da Arrábida et dans certaines structures à fort caractère religieux qui peuvent correspondre soit à de petites mosquées rurales, soit à des structures liées à la pratique du ribāṭ.
Mots clés
Gharb al-Andalus, peuplement rural, fortification, ville, Haut Moyen Age.
Abstract
Although there is still little information on the settlement of the “emiral” period in Garb al-Andalus, some general patterns of evolution have been pointed out that are being nuanced and supplemented by data from preventive archeology related to large public undertakings. In addition to the continuities and transformations that a considerable number of Roman villae underwent, there are some data relating to the fortified rural settlement, some groups of small rural settlements, with special emphasis on the Beja kūra, a certain cave settlement detected in the Serra da Arrábida and some structures of a marked religious character that may correspond either to small rural mosques, or to structures related to the practice of ribāṭ.
Keywords
Gharb al-Andalus, rural settlement, fortification, city, Early Middle Ages.
الملخّص
على الرغم من شحّ المعطيات التاريخية حول الاستيطان خلال فترة الطوائف بغرب الأندلس، فقد أمكن تدارك الأمر اعتمادا على المصادر الأثرية لرسم الملامح الكبرى لمراحل الاستيطان والتعمير. كما توفرت لدينا، إلى جانب التحولات التي أدخلت علي عدد من المنازل الرومانية، بعض المعطيات تخص المساكن الريفية المحصنة، وبعض المجمّعات الريفية على غرار قورة باجة، وهو نوع من مساكن الكهوف المكتشفة في جبال الربيدة وفي بعض المباني ذات الطابع الديني، قد يكون بعضها مساجد ريفية أو رباطات.
الكلمات المفاتيح
غرب الأندلس، المستوطنات الريفية، الحصون، المدن، العصر الوسيط المتأخر.
Pour citer cet article
GOMEZ MARTINEZ Susana, « Peuplement du Gharb-al-Andalus pendant la période émirale.Éléments pour une étude comparative avec l’Afrique du nord », Al-Sabîl : Revue d’Histoire, d’Archéologie et d’Architecture Maghrébines [En ligne], n°15, Année 2023.
URL : https://al-sabil.tn/?p=3687
Texte integral
1. Modèles de peuplement du Gharb al-Andalus à l’époque émirale
Au cours du dernier demi-siècle, la recherche sur le Gharb al-Andalus1 est passée du stade où elle ne disposait que de quelques informations éparses à celui où elle doit gérer une énorme masse d’informations inédites et non traitées provenant de l’archéologie préventive. Cela aboutit au paradoxe suivant : nous avons obtenu peu de preuves (publiées) mais plusieurs indices sur l’existence d’un établissement émiral complexe, fortement conditionné par les circonstances spécifiques de chaque région (et même de chaque lieu), en particulier par ses antécédents de l’Antiquité tardive, les caractéristiques géographiques de la zone, les ressources disponibles et les aspects géostratégiques conjoncturels.
Au risque de concevoir un modèle trop généraliste, théorique, simpliste et peu détaillé, mais plus ou moins accepté par de nombreux chercheurs2, nous commencerons par identifier un établissement urbain, héritier du monde antique et tardo-antique, dans lequel les transformations ne sont pas brusques. Il allie une forte évolution caractérisée par des changements structurels, notamment au niveau de la topographie de la ville et de ses centres nerveux, à la construction de citadelles, de mosquées et de maqbaras.
L’habitat rural, également héritier du monde romain tardif, lequel relevait les défis socio-économiques imposés par la fin d’un système basé sur l’esclavage, a dû s’adapter aux changements progressifs résultant de la nouvelle structure socio-économique islamique. Certaines des anciennes villae, qui avaient déjà perdu leur splendeur de la période de monumentalisation des IIIe et IVe siècles, transformées en villages paysans, en structures de soutien aux activités agricoles ou en monastères familiaux, ont continué à être occupées. Dans de nombreux cas, elles ont conservé leur caractère religieux et monastique jusqu’à la fin de la période omeyyade. Les villages paysans des régions montagneuses marginales, de marais ou de grottes aux contours d’ermitage ont également été maintenus. Certaines petites fermes et exploitations isolées sur des terres agricoles très pauvres pourraient être regroupées sous cette « étiquette » de régions marginales.
Pendant l’Antiquité tardive, l’abandon par les élites des villes et des villae a parfois entraîné une installation sur des terrains élevés et à fortification rurale. Ce phénomène semble se développer considérablement à l’époque omeyyade avec la construction de châteaux et de tours (ḥuṣūn et burūj). L’État omeyyade a également établi des établissements fortifiés plus importants, notamment les qilã' pour l’installation de grands contingents militaires. Un nouveau type de peuplement lié à la pratique du ribāṭ est apparu bien que n’étant pas forcément associé à des structures organisées sous forme de rabitas.
Nous allons maintenant essayer de voir comment ce modèle général s’est adapté au peuplement du Gharb al-Andalus, en mettant l’accent sur les territoires du sud.
2. Les villes émirales du Gharb
Récemment, nous nous sommes interrogés sur la manière de déterminer les critères qui définissent une ville en tant que telle, le statut même de la madīna et sur la manière de caractériser le phénomène urbain du Gharb à l’époque émirale3. Si l’on définit la ville comme étant un établissement urbain capable d'organiser un territoire, de produire et de distribuer des biens de consommation, de participer au commerce à longue distance, de structurer et d’entretenir certaines infrastructures, notamment les murailles, la fragilité des informations disponibles, aussi bien textuelles qu’archéologiques sur les cités émirales du Gharb, ne nous permet pas de trancher sur le caractère urbain des cités romaines qui existaient encore pendant l’Antiquité tardive. C’est le cas de Conímbriga qui semble avoir perdu ce statut après le transfert de son évêché à l'Aeminium voisin.
À l’exception de Mérida, qui dispose de nombreuses informations archéologiques et de datations précises4, la présence de sources écrites et de quelques indications de structures défensives est le seul élément ce qui nous permet d’évaluer le caractère urbain de certaines villes. Il est donc risqué d’extrapoler l’évolution de Mérida à d’autres villes de l’ouest d’Al-Andalus.

Source : Dessin de l’auteur.
Jusqu’à l’émergence de Badajoz au IXe siècle, les villes du Gharb étaient des villes préexistantes qui ont évolué à partir de différents points de départ. La plupart d'entre elles sont des villes romaines mais au dynamisme variable. Dans ce groupe se trouvent la plupart de celles qui sont mentionnées dans les textes comme chefs-lieux de district : Faro, Niebla, Beja, Évora, Mérida, Lisbonne, Santarém, Coimbra et Idanha-a-Velha5. Certaines ont été abandonnées après l'occupation musulmane comme Balsa, près de Tavira, qui a tout de même conservé une occupation « marginale » pendant une grande partie de la période andalouse6, probablement transformée en simple al-qarya. D’autres semblent avoir été abandonnées plus tôt comme Mirobriga, qui n’a laissé aucune trace dans les sources ou les archives archéologiques de la période islamique. Il n’en va pas de même pour Amaia, près de Marvão (un nom de lieu qui a été associé aux Banū Marwān), dont les fouilles n’ont révélé aucune trace d’occupation émirale, alors que le nom est mentionné dans les sources écrites, quoique sous le nom d’« Amaia des ruines »7, ce qui indique peut-être un changement dans les formes d’organisation du peuplement que l’archéologie n’a pas encore étudié.
Mais la même absence de données archéologiques est constatée pour les villes qui ont sans aucun doute perduré en tant que centres urbains importants. Examinons quelques exemples dans le sud-ouest de la péninsule ibérique.
Ocsonoba, appelée plus tard Shantamariyya al-Gharb à partir du Xe siècle8 et Faro actuellement, a vraisemblablement perdu une grande partie de sa prééminence à l'époque romaine au profit de Silves9. Les fouilles les plus récentes dans la ville n'ont pas révélé de traces émirales significatives et l’étude des murailles est encore entourée d'incertitudes et de doutes, surtout en ce qui concerne les pans de mur attribués à une présence byzantine, ce qui demeure incertain aujourd’hui.
L’élément le plus remarquable de la période émirale est sans aucun doute la Porta da Vila. Il s’agit d’une structure en chicane, enveloppée d’édifications néoclassiques, dont seul un arc outrepassé en pierre avec des voussoirs aux tons alternativement clairs et rougeâtres est visible. Si nous la comparons avec le plus grand représentant de l’architecture andalouse, la mosquée de Cordoue, il est clair que la proportion et la distribution des voussoirs sont plus proches de la porte de San Esteban du VIIIe siècle où les voussoirs sont distribués radialement à partir du centre de l’arc, que de la porte de San Ildefonso construite par al-Hakan II où les voussoirs sont distribués à partir du centre de la ligne des impostes (fig. 2). Cet argument nous fait penser qu’il s’agit d’une œuvre de la période émirale, probablement le résultat des travaux de restauration des remparts par la famille de Bakr b. Yaḥyā évoquée par les sources écrites10.

La persistance du christianisme dans la ville est beaucoup moins douteuse. La vitalité de la communauté chrétienne de Faro lui a permis de conserver une puissante hiérarchie ecclésiastique, attestée par la figure de l’évêque Julien, dont l’extraordinaire pierre tombale, provenant d’un prestigieux atelier de Cordoue et datant de 987 après J.-C. nous nous est parvenue11.
Dans le cas de Mértola, autre ville importante de l’Antiquité tardive, les sources arabes la désignent comme ḥiṣn, mais son imposant patrimoine de l'Antiquité tardive, notamment ses structures paléochrétiennes et le dynamisme de son port lui accorderaient le statut de madīna. Les imposantes structures défensives de l’Antiquité tardive seraient encore fonctionnellement adéquates. Le pan de mur nord, qui aujourd’hui encore délimite la ville et soutient le cryptoportique, en est un témoignage évident. La Tour du fleuve serait probablement encore debout, malgré les grandes crues du Guadiana, dans une plus large mesure qu'elle ne l'est aujourd'hui.
Les fouilles de l’Alcáçova ont révélé que les imposantes structures du complexe religieux de la fin de l’Antiquité ont été utilisées jusqu’au XIe siècle12. Cependant, aucun niveau stratigraphique de la période émirale n’a été retrouvé. Parmi le matériel recueilli dans les niveaux d'abandon et de destruction des édifices religieux, on retrouve des lampes à bec et des ataifores en glaçure couleur miel avec des motifs en manganèse du XIe siècle. Cependant, il est difficile de déterminer l’usage qui en était fait pendant la période islamique. La phase finale a sans doute été marquée par le pillage des matériaux de construction les plus précieux, par exemple le marbre, systématiquement enlevé et réutilisé à l'intérieur du bâtiment lui-même. Il est beaucoup plus difficile de déterminer à quel moment le culte chrétien a cessé. L’étude par des spécialistes des traces de peinture à fresque dans le baptistère II13 peut fournir des indices sur la période d’exécution du registre iconographique de la voûte.
Un autre bâtiment de l’Antiquité tardive à Mértola qui a subi une occupation marginale pendant les premiers siècles de la période islamique est le Mausolée de Rua Dr. Afonso Costa14. Après l'effondrement des voûtes des cryptes, l’espace a été utilisé de manière marginale, en adaptant la construction au moyen de murs en pierre recouverts de boue et de pavements en terre battue sur les effondrements.
À Mértola également, l’épigraphie témoigne de la continuité de la population chrétienne à l'époque émirale, comme en témoigne la pierre tombale d’Adulteos, clerc décédé en 72915. Dans le domaine de l'épigraphie arabe, en revanche, il est frappant de constater que la plus ancienne pierre tombale arabe conservée sur le territoire portugais est celle du Musée de Mértola, datée de 95716 et qu’elle a beaucoup à envier en matière de qualité à la pierre tombale de l’évêque Julien mentionnée ci-dessus.
Ces éléments clairs de continuité coexistent avec d’autres signes visibles de changement. Un exemple de transformation progressive de la topographie urbaine de Mértola se serait produit dans la nécropole associée à la basilique funéraire de Rossio do Carmo, sur laquelle a été installée une partie de la maqbara musulmane. L’orientation et les caractéristiques constructives de certains sites funéraires soutiennent la thèse d’une période de transition au cours de laquelle certains sites funéraires auraient conservé des aspects isolés des premières coutumes chrétiennes mélangés à des éléments déjà pleinement adaptés au rite musulman17.
À l’intérieur des murs de la ville, le premier changement structurel majeur a eu lieu dans le château. Nous ne savons pas à quelle période remonte l’occupation de l’acropole de la ville, bien que certains indices indiquent l’Âge du Fer18. La première référence dans les sources écrites date du IXe siècle lorsque`Abd al-Mālik Abī l-Jawwād, un disciple de `Abd al-Raḥmān Ibn Marwān al-Jillīqī, prit Mértola et renforça son château19.
Le monument actuel est le résultat d’innombrables transformations et réparations qu'il est difficile de délimiter et de dater. Cependant, nous pensons que son plan trapézoïdal et ses tours d'angle faisaient partie du programme de construction initial. Pendant cette phase de construction émirale, l’accès se faisait par une simple entrée flanquée de deux tours quadrangulaires constituées de grandes pierres de taille en granit, dont il reste les éléments d'angle encastrés dans la porte coudée de l’époque almohade (fig. 3)20. Lors de travaux de réparation de la porte au XXe siècle, une partie de la maçonnerie d’une de ces tours était visible avec ses grands blocs en granit et en marbre, alignés verticalement, structurant une maçonnerie plus fragile faite de pierres de taille irrégulières, d’aspect proche de l’opus africanum. Du même côté de la forteresse, côté nord, les premières assises d’une autre tour carrée sont conservées21. Celle-ci était vraisemblablement alignée avec les tours bordant la porte.

Source : Dessin et photo de l’auteur.
Les travaux archéologiques réalisés à l’intérieur du château, bien que de manière ponctuelle, ont permis de documenter une série d’infrastructures (canalisations et fosses d'aisance) associées à des habitations qui, dans certains cas, remontent à la période émirale, bien qu'elles aient été désactivées à la fin du Xe siècle22.
Nous pensons qu’une autre zone de transformation urbaine fut la plate-forme où se trouve l’actuelle église paroissiale de Mértola, une ancienne mosquée construite sur des bâtiments antérieurs pendant la seconde moitié du XIIe siècle. Les interventions archéologiques réalisées à côté de la qibla ont révélé une structure plus petite que la mosquée almohade, construite à l’aide d’une technique rappelant l'opus africanum, avec une petite abside quadrangulaire (fig. 4).

Plan proposé des structures sous-jacentes à la mosquée Almohad. Source : Dessin de Virgílio Lopes, 2014.
Dans un premier temps, nous l’avons considérée comme étant l’un des temples qui composaient le grand complexe religieux paléochrétien, adapté au culte musulman et qui aurait pu être partagé par les deux communautés religieuses au début de la présence musulmane sur le territoire, comme cela était courant à l'époque24. Cependant, l'orientation du bâtiment, similaire à celle de la mosquée construite par-dessus et différente de celle des autres constructions chrétiennes, et le fait que l'opus africanum ait continué à être utilisé à l’époque émirale, comme cela a été constaté à Mérida25, nous ont obligés à classer ce bâtiment au rang de mosquée primitive26.
La technique similaire à l'opus africanum que l’on retrouve dans les constructions de la péninsule ibérique du Haut Moyen Âge27, n’a évidemment pas la qualité de son prédécesseur nord-africain que nous constatons à la même époque à Ifrīqiya, par exemple dans la mosquée de Kairouan, et qui semble subir une dégradation progressive au fur et à mesure de l'épuisement de la matière première, soit des blocs de monuments romains réutilisés. Cependant, son utilisation dans les constructions émirales du Gharb n'est peut-être pas accidentelle, car elle est associée à des pratiques de construction résilientes et à la préférence des familles nobles locales, qui l'utilisaient dans leurs nouvelles édifications.
Il ne fait aucun doute que ce bâtiment a été remplacé par une mosquée aussi large que l'actuelle, mais antérieure au temple almohade, avec un mihrab de plan rectangulaire plutôt que polygonal, construit en maçonnerie de grandes pierres de taille en granit réutilisées et que, en l’absence d’éléments de datation plus précis, nous attribuons à la période omeyyade entre les Xe et XIe siècles.
Béja, capitale du conventus, était la principale ville du sud-ouest au VIIe siècle et continua à l’être au VIIIe siècle, comme l'atteste l'établissement dans cette ville du jund égyptien en 124 ap. H. /742 ap. J.-C. Cependant, nous ne savons pas si cela s’est fait de manière solide dans la ville elle-même ou dans les riches terres qui l’entouraient ; en fait, selon certains auteurs, il n’y avait pas distributions de terres, mais des loyers28.
Malgré les nombreuses références écrites sur cette ville, aucune strate archéologique scellée n'a été découverte jusqu'à présent. Par exemple, les fouilles de Maria da Conceição Lopes dans la zone du temple romain de l’ancien forum ont permis de documenter différents moments d’occupation, dont certains remontent à la période islamique, mais aucun à la période émirale. Cette absence doit être attribuée, avant tout, à l’utilisation intensive de structures de l’époque romaine qui ont même servi de bases aux constructions des XIVe et XVe siècles, avec l’utilisation des fondations du temple impérial pour accueillir des sous-sols et des caves.
Parmi les quelques vestiges du haut Moyen Âge à Beja, la décoration architecturale de plusieurs temples chrétiens, notamment de l'église de Santo Amaro, mérite une attention particulière. Beaucoup de ces pièces ont été datées entre le VIIIe et le IXe siècle29, ce qui indiquerait, malgré le débat auquel cette chronologie est soumise30, qu’au moins jusqu’au IXe siècle, la communauté chrétienne de Beja avait une capacité économique suffisante pour développer des programmes architecturaux de grande qualité esthétique et technique. Il s’agit d’une réalité qui n’est pas exclusive à la capitale du kūra et que l’on retrouve par exemple à Castro da Cola et à Mértola31.
En ce qui concerne le phénomène de croissance des villes à partir d’établissements mineurs pendant l'Antiquité tardive, il s’agit d’un modèle qui se répétera à des époques ultérieures (par exemple, à Loulé et Tavira au XIIe siècle). Dans le cas de Silves, à partir d'un établissement romain/antique tardif encore mal défini, la localité a progressivement acquis, tout au long du VIIIe siècle, un rôle important dans l’organisation politique et sociale du sud-ouest de la péninsule, pleinement établi au IXe siècle32. En effet, c’est le site qui a révélé le plus grand nombre et la plus grande variété d’exemples de céramique vitrifiée sur une grille en relief, datés de la fin de la période émirale et d’origine malaguène, comme le démontre l'analyse archéométrique33.
En résumé, les quelques vestiges archéologiques conservés dans ces villes dépeignent des agglomérations peu peuplées, avec un paysage urbain dominé par des édifications antiques et paléochrétiennes et dans lesquelles les interventions urbaines les plus significatives, comme la rénovation des murailles et la construction de citadelles et de mosquées, remontent au IXe siècle. Cependant, malgré sa fragilité, ce réseau de villes semble avoir été décisif lors la restructuration de l'habitat que l'on constate à partir de la période califale ; elles se maintiennent presque toutes, incorporant de nouveaux centres, souvent basés sur l'affirmation d’agglomérations plus modestes qui existaient auparavant, comme dans le cas de Silves. Badajoz serait la seule fondation à fort caractère politique.
3. Peuplement fortifiée
On retrouve un peu plus d’informations sur le peuplement fortifié34. Nous comptons sur des sources écrites qui font référence à certains ḥuṣūn, parfois à l’identification controversée comme Ṭuṭāliqa. Nous mettons en évidence les cas d'Ourique où se réfugièrent les Banū Barkr b. Zadlafe, Aljustrel où Mas'ūd b. Sa'd al-Surunbaqi s’installa, Aroche fortifié par Bakr b. Maslama ou Alcacer do Sal où la construction de la forteresse et l’installation des Banū Danis détermineront son évolution vers une structure urbaine. D’après les sources, les Banū Marwān semblent contrôler un réseau de fortifications en altitude qui comprend, entre autres, Marvão, Alange, Barchabal et Badajoz qui aurait été fondée dans un but fortifié et non urbain35. Même Mértola, fortifiée par `Abd al-Mālik Abī l-Jawwād est décrite comme ḥiṣn par certaines sources comme al-Rāzī36. D’après les sources, il semble donc que ce soient les aristocraties locales/régionales qui vont promouvoir un réseau de fortifications, en profitant parfois de structures antérieures.
Mais il existe de nombreux autres châteaux et édifications fortifiées de cette période que nous avons identifiés par l’archéologie, bien que peu d’entre eux aient fait l’objet de fouilles archéologiques systématiques. Cláudio Torres a fait une première proposition typologique, très intuitive, des édifications rurales fortifiées du Baixo Alentejo. Fondamentalement, il en distingue trois types qu’il met en relation étroite avec les modes d'exploitation des ressources: le village sur une petite élévation contrôlant des terres agricoles fertiles, comme dans le cas de Serpa et Moura; le village fortifiée destinée à l’élevage du bétail, composé d'une petite enceinte et d’un albacar fortifié, comme dans le cas d’Ourique, Castro da Cola et Almodovar; et un troisième type composé de villages sur le sommet des collines occupant en général les mêmes systèmes de défense que les anciennes édifications de l'Âge du fer, comme par exemple à Colos do Alentejo et Castro Verde, auxquelles nous pourrions ajouter Garvão. Dans de nombreux cas, il s'agirait du retour des populations rurales autochtones sur les sites des anciens villages préromains de haute altitude. Du point de vue technique, Cláudio Torres liait l’agglomération fortifiée à des structures très simples de pierres irrégulières mélangées à de la boue37.
Helena Catarino a fait une analyse très précise de la façon dont ce réseau de fortifications était structuré en Algarve, surtout dans la région occidentale où les travaux prospection pédestre lui ont permis de dresser un tableau général du peuplement, bien que les fouilles de Castelo Velho de Alcoutim et de Castelo das Relíquias soient celles qui lui fournissent une image chronologique claire. Dans le cas du dernier château, elle a trouvé des preuves de son existence dès la période de l'Antiquité tardive38. Cela devait être commun à d'autres fortifications comme celles de Castro da Cola, Serpa, Moura ou Noudar39.
À l’exception de Castelo Velho de Alcoutim, on sait peu de choses sur la structure de ces fortifications, dont la plupart sont masquées par des constructions postérieures et manquent d’interventions archéologiques qui permettraient d’attribuer des chronologies et des évolutions à leur architecture. Les fouilles sur ce site ont révélé un complexe fortifié doté d’une petite forteresse rectangulaire au sommet, défendue par des tours quadrangulaires massives. Une deuxième ligne de murs entourant la forteresse a également été identifiée ; elle est apparemment plus ancienne et également dotée de tours rectangulaires adossées40. Une structure similaire semble avoir existé au château d’Alferce à Monchique41.
Castro da Cola, largement fouillé par Abel Viana42 bien qu’avec de nombreux doutes quant à l’attribution chronologique des structures, présentait également deux enceintes fortifiées contiguës, la forteresse et le mur qui entourait le conglomérat urbain. Le plan grossièrement rectangulaire est beaucoup plus régulier que dans les montagnes de l’Algarve, probablement en raison de la topographie favorable. Il est difficile de dire s’il s’agit de la structure de la période émirale, car il s’agit d'une édification comportant de nombreuses reconstructions (certaines datant du XXe siècle) qui n'a été abandonnée qu'après la conquête chrétienne.
Le cas de Mesas do Castelinho à Almodovar semble correspondre à une typologie différente, avec une seule enceinte. Elle repose sur un grand village datant de l’Âge du fer et du début de la période romaine43. Bien que fortement détruite, il a été possible d'identifier une petite fortification ovale, avec des tours rectangulaires avancées et entourée d'un fossé. Les matériaux connus de ce site sont plus récents (Xe-XIe siècles) bien qu’il ait pu connaître une occupation plus ancienne.
Malgré les incertitudes de l’imprécision chronologique, nous pouvons déduire une certaine diversité de solutions, avec des évolutions différentes dans les périodes ultérieures, bien qu’avec le dénominateur commun de l'utilisation de la maçonnerie à sec ou en terre et exécutée avec des matériaux locaux. Il n’existe aucune preuve de techniques de construction aulique qui pourraient être associées à des initiatives du pouvoir central de Cordoue.
Ces petits châteaux ruraux, en plus de contrôler le territoire environnant, ont dû jouer un rôle important dans la gestion des ressources stratégiques. Certains peuvent être associés à l'exploitation minière, comme Aljustrel et Ṭuṭāliqa44, d’autres au contrôle des voies de communication, comme Castelo Velho de Alcoutim par rapport à la grande voie de communication qu'était le Guadiana. Ils ont probablement connu la même évolution constatée dans d’autres zones, dans le cadre d'une gestion locale et régionale par la noblesse locale, reprise ensuite par le pouvoir central, comme l’a souligné Manuel Acién45. Le rôle qu'ils ont pu jouer en tant qu'agents d'islamisation du territoire est moins clair, bien qu’Helena Catarino estime que l’existence d’une mosquée à Castelo de Alcoutim constitue un indice de cette islamisation46.
4. Le peuplement rural non fortifié
En prenant comme base d’analyse les informations recueillies par le groupe CIGA sur la céramique au Portugal47, quelques questions préliminaires se posent et nous obligent à être très prudents. Tout d'abord, la carte de dispersion des différents types de découvertes de la période émirale (fig. 1) montre une forte concentration de sites dans l’estuaire du Tage et la péninsule de Setúbal. Nous pensons que cette concentration est due au fait qu'il s'agit d'une région plus étudiée que d'autres en raison de sa situation actuelle caractérisée par une diffusion plus intense des interventions archéologiques préventives. Il en va de même dans le tronçon moyen du Guadiana, région soumise à des recherches préventives en raison de la construction du barrage d’Alqueva. Une situation similaire serait observée dans les zones affectées par la construction de canaux d'irrigation dérivant du même barrage si les opérations en cours étaient publiées. Les informations communiquées oralement semblent indiquer des phénomènes récurrents d’association de villae antiques avec des agglomérations rurales émirales et des nécropoles islamiques, très proches les unes des autres. En revanche, le vide existant dans le polygone entre Coimbra-Guarda-Évora-Santarém est incompréhensible. Sans doute faut-il l’attribuer à un déficit de recherche qui semble s'étendre aussi à d'autres périodes, surtout si l’on tient compte du fait qu'il existe dans cette région des localités de premier rang à l’époque émirale, comme c’est le cas d'Idanha-a-Velha, la Laŷdāniyya des textes.
En ce qui concerne la céramique émirale, le groupe CIGA recensait 43 sites en 2018. La plupart sont des agglomérations rurales (67%), sept sont des agglomérations fortifiées et sept autres sont considérés comme des centres urbains. Ce pourcentage important de sites ruraux correspond à une gamme très diversifiée de structures d'habitats, souvent mal caractérisées. Nous tenterons ci-dessous de systématiser certains groupes figurant parmi les plus importants.
4.1 Les anciennes villae
L’un des phénomènes spécifiques du peuplement du sud-ouest de la péninsule ibérique et fréquemment souligné est la continuité d'un nombre considérable de villae romaines qui, dans de nombreux cas ont survécu jusqu’au XIIe, voire jusqu’au XIIIe siècle48, normalement dépouillées de leur caractère de grande unité d’exploitation seigneuriale. Nous pouvons citer Cerro da Vila à Vilamoura49, Milreu près de Faro50, Montinho das Laranjeiras à Alcoutim51, São Cucufate52 et Monte da Cegonha à Vidigueira53. Mais cette continuité peut aussi aboutir à des conclusions hâtives si l’on n’analyse pas en détail la diversité des solutions trouvées dans la transformation de la villa au début du Moyen Âge. Santiago Macias et Maria da Conceição Lopes54 énumèrent un groupe important dans la région de Beja : Pisões, Apolinárias, Romeirã, Carroscozinha, Monte da Cegonha, etc. Il n’existe pas de modèle clair pour expliquer cette continuité : ni la proximité de Beja, ni sa «monumentalisation» à la fin de la période antique, ni sa taille sont capables d’expliquer cette continuité.
Dans certains cas, elle passe par une transformation en monastère familial pendant l’Antiquité tardive. Deux cas pourraient être inclus dans ce groupe, comme São Cucufate
à Vidigueira55 ou le modeste Monte Mosteiro, situé sur un point stratégique de la route reliant Beja et Mértola et qui conserve un toponyme très suggestif56 (fig. 5). Le nom du site de Mosteiros à Portel est tout aussi suggestif, bien qu’il semble avoir eu moins de continuité57. Il est possible que les villae de Montinho das Laranjeiras à Alcoutim et de Monte da Cegonha à Vidigueira se caractérisent de la même manière. Les interventions archéologiques sur les deux premiers sites indiquent de lourdes reconstructions, surtout après la conquête portugaise au XIIIe siècle. Ces dernières ont pu dénaturer non seulement les bâtiments chrétiens d’origine, mais aussi les éventuelles altérations subies pendant la période de domination musulmane.

Source : Photo de l’auteur.
L’une des questions est de savoir comment et quand les structures religieuses paléochrétiennes ont été abandonnées, ce qui pourrait être dû à la conversion à l’islam de la communauté paysanne qui utilisait ces espaces. Dans le cas de Montinho das Laranjeiras, Helena Catarino propose non pas l'abandon de l'église chrétienne primitive, mais sa transformation en mosquée rurale58.
Une preuve évidente de l’islamisation d’une ancienne villa se trouve à Milreu, près de Faro, où des inscriptions en arabe ont été trouvées sur une colonne. Ces inscriptions ont été réalisées alors que la colonne était encore debout, à une période indéterminée entre la fin du VIIe siècle et le début du IXe siècle selon certains auteurs et entre le IXe et le Xe59 siècle selon d’autres60. Elles ont été interprétées comme des inscriptions funéraires de la même famille muladi dans le contexte d'une nécropole musulmane61. Celle-ci a succédé ou coexisté avec le cimetière entourant un temple paléochrétien qui, à son tour, a réutilisé un ancien sanctuaire romain. Il s'agissait probablement d'une famille de l'élite locale, si l’on tient compte du titre de « chef » désignant le patriarche de la famille, ce qui nous amène à spéculer sur un modèle rare de durabilité de la villa où les propriétaires sont restés sur place en adoptant la nouvelle religion.
Tous ces exemples suggèrent une continuité dans l'occupation de peuplement rural, aussi bien par les Chrétiens que par les habitants convertis à l’islam pendant la période émirale, sur des sites qui, entre les VIIe et VIIIe siècles, auraient cessé d’abriter, dans la plupart des cas, de grands propriétaires terriens pour devenir des établissements paysannes. Certaines de ces établissements bâtis sur d’anciennes villae deviendront par la suite des agglomérations assez importantes. Ce fut sans doute le cas de Cerro da Vila à Vilamoura62. La qualité des matériaux documentés sur ce site63, surtout à partir du Xe siècle, montre clairement qu'il s'agissait d'une agglomération consacrée à une activité artisanale et portuaire très importante dépassant les capacités d'une simple agglomération paysanne ou d’un village de pêcheurs.
L’un des problèmes de l’archéologie est la question du lieu de résidence des aristocraties rurales après l’abandon de la villa classique. Cela est dû en grande partie au fait que nous ne savons pas quels auraient été les modèles de différenciation de la culture matérielle des élites de l’époque, et que les objets de luxe et ostentatoires datés de cette période sont rares. À l’exception du rare cas de Milreu où, comme nous l’avons vu, une inscription éclaire cette question, l'architecture militaire finit par devenir l'indicateur par excellence de l'identification des élites. Manuel Acién a déjà abordé le problème à plusieurs reprises64. Selon ses arguments, il n'est pas rare de trouver des villae avec des noms de lieux actuels composés de « Torre » et « Torrejão » qui, dans certains cas, font également état d'une occupation pendant la période émirale. Je viens de citer le cas de Torre de Palma à Monforte, mais aussi de Torre Velha à Serpa étudiée par Teresa Ricou65, Torrejão Velho à Olhão, Torre do Azinhal à Marvão66. Il serait également intéressant d'analyser d'autres noms de lieux qui peuvent dériver de burj ou qubba, comme Alvor en Algarve, déjà mentionné par Manuel Acién67, ou Cuba dans l’Alentejo. Un examen de tous ces sites de ce point de vue peut nous aider à comprendre non seulement l'évolution de la villa, mais aussi l'encadrement et la hiérarchie des petites agglomérations que l'archéologie commence à détecter.
Malgré ce que les noms de lieux suggèrent, les preuves physiques de ces tours dans le sud-ouest d'al-Andalus sont rares. Dans le cas de Torre de Palma, la tour seigneuriale, aujourd'hui conservée et transformée en établissement hôtelier, a peut-être remplacé une tour antérieure. Si cette possibilité est confirmée, il faut penser que l'emplacement de ces tours a pu être déplacé par rapport au centre primitif de la villa, probablement vers une position plus élevée ou dépourvue de ruines qui rendraient la vue et la défense difficiles. Cependant, l'archéologie préventive en milieu rural, très active ces dernières années, n'a pas détecté ces structures, peut-être parce qu'elles étaient construites à l’aide de matériaux périssables.
4.2. Al-ḍay’a et al- qarya ?
L’attribution sans critique des termes qarya, ḍay’a, munya, majāshir ou raḥāl à un établissement rural particulier identifié par l'archéologie peut entraîner des erreurs d'interprétation déjà soulignées par certains auteurs. Le caractère juridico-administratif de chaque unité de peuplement peut difficilement être déduit sans sources écrites. En effet, ces dernières portent rarement sur ce type d’agglomérations et utilisent souvent des termes polysémiques et imprécis qui peuvent changer avec le temps et l'évolution des établissements. Sans entrer dans le détail, les sources attribuent à Tavira le statut de qarya puis ensuite le statut de madīna68.
Quoi qu'il en soit, l'archéologie peut et doit utiliser ses propres critères pour définir des catégories matériellement cohérentes. Les chercheurs dans ce domaine devront se mettre d'accord sur ce qu'est un qarya, un ḍay’a, un munya, ou un raḥāl. Pérez Aguilar69 a proposé une série de critères (taille, emplacement, types de matériaux de construction, types de matériaux céramiques et autres types de matériaux) pour distinguer trois types d’établissement : l’établissement rurale de premier ordre, l’établissement rurale de second ordre et l’établissement rurale dispersée. Cependant, ici comme dans la définition de ville, nous constatons que, pour la période émirale, les critères définissant une agglomération de « premier ordre » peuvent être beaucoup plus modestes que, par exemple, pour la période almohade.
La question de la terminologie, loin d'être banale, nécessite réflexion et débat et doit être abordée dans un cadre plus élargi avec des spécialistes de différents domaines, dont la philologie et la linguistique informatique70. En particulier, nous pensons que les arguments pour l’attribution des termes dans le cas du peuplement peuvent utiliser les critères de sélection qui ont été proposés à l’époque pour la terminologie céramique : le terme choisi doit être utilisé dans les langues courantes afin que le néophyte n'ait pas de difficulté à identifier l’objet de l’étude ; la préférence sera donnée aux arabismes lorsqu'ils existent et sont utilisés par les spécialistes. Si ces derniers n’existent pas dans la langue courante, la priorité sera donnée aux termes moins ambigus, plus largement utilisés par les chercheurs, à plus grande diffusion internationale ou à plus grande tradition linguistique71. Compte tenu de ces critères, il me semble acceptable d’utiliser le terme portugais « alcaria » pour les agglomérations rurales de taille moyenne, au caractère militaire réduit (absence de murailles ou existence d’enceintes peu robustes) et à vocation éminemment agropastorale. Toutefois, cette question exige une réflexion beaucoup plus approfondie.
Au Portugal, les toponymes avec Alcaria sont très fréquents et, dans de nombreux cas dans le sud du pays, ils sont associés à des villages de la période islamique abandonnés ou qui ont survécu jusqu'à nos jours. En nous concentrant uniquement sur le territoire de Mértola, nous trouvons, entre autres, Alcaria dos Javazes, correspondant à la qarya d'al-Gaawza à laquelle se réfère Ibn al-Ḥaṭīb72 et Alcaria Ruiva, qui après la conquête du territoire par l'ordre de Saint-Jacques a été transformée en commende au même titre que Mértola. Les micro-toponymes sont encore plus abondants, comme le montre la carte archéologique de la municipalité73. Ici, comme dans le cas des fortifications rurales, le problème réside dans la datation des sites et leur évolution.
D’un point de vue archéologique, la seule qui a été étudiée en profondeur sur le territoire de Mértola est Alcaria Longa (fig. 6), fouillée par James Boone74 au début des années 90 du siècle dernier. La localité actuelle portant ce nom se trouve à environ un kilomètre du site islamique. Elle présente une configuration tout à fait allongée, couvrant deux collines. Une tour se dressait sur la colline la plus élevée, mais il n'a pas été possible d’établir l’existence d’une enceinte entourant les habitations qui s’étendent sur environ 5 ha. Quoique non fouillé dans la totalité, ce site aurait été composé d'une quinzaine d'habitations dont la structure diffère de la maison à cour fermée sur les quatre côtés recensés dans la ville. Il est composé de compartiments allongés formant un L ou un U pour dessiner une cour ouverte. Jusqu’à présent, les fouilles n'ont pas permis de documenter son occupation avant le Xe siècle.

Source : Photo de l’auteur.